Accident domestique

 

Découvert l’an dernier dans la Sélection Suisse en Avignon, Une bonne histoire s’appuie sur une affaire d’espionnage industriel.  À cet effet, l’auteure-metteure en scène Adina Secretan élude la recension des faits et se concentre sur les témoignages de salariées plus ou moins complices.

Au plateau, deux interprètes endossent les soupirs, les redites, les hésitations qui scandent chaque déposition. Cette diction chaloupée ponctue des récits où s’entremêlent le factuel, l’intuition, le jugement, la déduction. Dans leur contribution, les témoins exposent autant qu’il fictionnent leur point de vue.

Cette année, dans cette même Sélection Suisse, Adina Secretan apparaît comme dramaturge de L’Évènement. Co-interprète de Une bonne histoire, Joëlle Fontannaz est à la fois conceptrice, réalisatrice et, à nouveau partie prenante de la distribution.

De la pénombre se distinguent des silhouettes, des bribes de voix. Peu à peu, la vision s’affine : deux femmes, un homme , un groupe a minima. Les trois s’expriment en même temps et racontent peu ou prou la même chose. Avec, cependant de légers décalages dans le rythme de la diction et le choix du vocabulaire.

Progressivement L’Évènement se précise, de même que s’accentuent le déphasage des perceptions. Le promontoire carbonisé sur lequel s'engonce ce chatoyant chœur antique, devient barre de témoignage, espace d'affirmation.

La subjectivité des observations, les désirs de prééminence au sein du trio, orientent la polyphonie légèrement dissonante vers une cacophonie des approches. Un simple accident domestique devient creuset de divergences, de rancœurs, de mal vécus.

L’on reste à la fois intrigué, amusé et médusé par la performance des choristes : Mathias Glayre, Nina Langensand, Joëlle Fontannaz. Mais derrière sa virtuosité vocale, l’oratorio atypique déploie une réflexion ludique, insolite et profonde sur les aléas du collectif et la fragilité de l’altérité.

À l’heure où la restitution du réel, constitue une tendance lourde (parfois dans le premier sens du terme) des inspirations dramatiques, L’Évènement livre une approche du Théâtre documentaire d’une inestimable singularité. De cette anatomie d'un chaos émerge une seule évidence : le duo Fontannaz-Secrétan mérite la plus fidèle des attentions.

L’Évènement : 18H15, La Manufacture, jusqu'au 20 juillet. Relâche le 17 juillet.

Réservations : https://lamanufacture.org/

Photographies : Vicky Althaus, Deblue, Pascal Gely.

Retour à la liste des articles