Auteur, acteur, metteur en scène et… agrégé de géographie, Frédéric Ferrer, depuis vingt ans, est à l’origine de conférences-théâtrales sur les conséquences de l’anthropocène, à savoir l’impact de l’activité humaine sur la planète.
Suite à De la morue, accablée par la surpêche et la pollution, avant La géopolitique du petit pois, le saltimbanque-conférencier, flanqué d’une sémillante partenaire (Hélène Schwartz) dresse la cartographie du Problème lapin.
Selon les contraintes habituelles : nombres d’entrées à traiter dans un temps limité, qui s’écoule sur un chronomètre à même le plateau, le couple d'intervenants examine les singularités et méfaits de l’Oryctolagus cuniculus.
Importé, au gré des expéditions coloniales, partout en Europe, puis aux antipodes et en Amérique du Sud, le lapin dévore les cultures, grignote câbles et tuyaux, déforme pistes et chaussées. Certes l’animal est la cible d’une kyrielle de prédateurs mais il possède une capacité de reproduction proprement exceptionnelle. Bref, le rongeur est une calamité.
Cependant, par le plus rédhibitoire des paradoxes, du Doudou à Walt Disney, le lapin reste terriblement sympathique.
Les deux locuteurs combinent repères historiques, déterminants biologiques, répercussions écologiques, digressions humoristiques. L’exposé contre la montre s’écoule dans la vivacité et une savante drôlerie. Les mesures de protection mises en place en Australie semblent issues d’un épisode du Monty Python’s Flying Circus et le coït de la bébête est d’une fulgurance désopilante.
De l’enchaînement des connaissances émerge une dialectique du nuisible. En vertu du principe selon lequel la nature a horreur du vide, l’éradication d’une calamité ouvre souvent la porte à d’autres espèces toutes aussi invasives. Maudit lapin, bouc émissaire.., la constatation déborde de l'écosystème vers diverses strates de nos sociétés.
Le problème lapin relève d’une joyeuse érudition qui malmène les mythologies et retourne les idées reçues, au prisme des sciences humaines. Pas de doute : Frédéric Ferrer est un Voltaire des temps modernes.
Le problème lapin : 14H, Théâtre des Halles. Jusqu’au 26 juillet. Relâche mercredi.
Réservations : https://www.theatredeshalles.com/
Photographies : Vincent Beaume