Che sera sera

 

Elle s’appelle Annette. Enfant, elle aimait regarder des films où ça chantait ; un peu, comme dans L’Homme qui en savait trop (1956 Alfred Hitchcock), où Doris Day, classieuse comme jamais, susurrait à son fils une chanson qui sauverait leur peau ; beaucoup, façon Chantons Sous la pluie (Stanley Donen 1952), dans lequel une Debbie Reynolds infatigable, super sympa, gambillait aux côtés de Gene Kelly et Donald O’Connor.

Désormais septuagénaire, Annette s’est confiée à Camille Colpi. Au terme de ces entretiens, la metteure en scène l’a conviée à conter et chalouper sa vie. Donc, au plateau, Annette s’épanche, entourée de quatre partenaires, chapeautée par une souffleuse.

Si la caboche traverse quelques trous d’air, la carcasse, elle, n’oublie rien. Ma vie, mon corps, ainsi pourrait se sous-titrer l’histoire d’Annette. Des primes toilettes (de bas en haut ou de haut en bas ?), au spleen de la ménopause, en passant par une kyrielle de premières fois, il apparaît, qu’en matière d’émois, de procréations, de tensions.. , c’est toujours, sous ou sur la peau des femmes que ça se passe.

À la biographie biologique, se greffent les injonctions du genre et du moment : dans les swinging sixties, la jeune bruxelloise ne partageait vraiment pas la silhouette filiforme de Twiggy ou de Françoise Hardy.

Pourtant, fi des plaintes et du dolorisme, la dame a du caractère. Compagne fidèle, elle rejette les bagues au doigts. Si elle donne naissance à un enfant, l’instinct maternel ne l’habite pas. Et que dire de cet amant qui l’initie à la sensualité des belles étoffes et à la déchirante profondeur d’une aria ?

Annette se raconte dans son chez soi, un espace intérieur traversé par une poignée de fantômes. Un quatuor à parité incarne ces figures du passé avec lesquelles la dame partage un dialogue ou quelques esquisses guinchées.

Par ses options formelles et la personnalité hors-normes de son sujet, la proposition travaille le singulier, sans négliger la complexité. Documentaire chorégraphié, l’objet théâtral aborde certains déterminismes de l’époque hors des schématismes souvent manichéens. Dommage, toutefois, que, sans doute sous l’effet du fatalisme gouailleur et des aphorismes débonnaires de sa vedette, le spectacle étire sa longueur quitte à abraser l’attention.

Che sera, sera, chantait Doris Day. Advienne que pourra), ainsi se résume le parcours d'Annette. Et, bien qu'elle rechigne à quitter la scène, force est de reconnaître que la dame mérite quand même un déplacement.

Annette : 13H,  Théâtre des Doms. Jusqu'au 25 juillet, relâche le samedi et le mercredi.

Réservations : https://lesdoms.eu/

Photographies : Laurent Poma. 

Retour à la liste des articles