Cinq plats pour un septennat

 

Écrire et produire un spectacle sur chacun des huit présidents qui ont gouverné la France, depuis  l’instauration de la Vème République, en octobre 1958 ; le projet ne manque pas d’ambition.

Suite à La Vie et la mort de Jacques Chirac, roi des français, créé en 2021 ; en parallèle avec Génération Mitterrand, présenté cet été à Avignon, Leo Cohen-Paperman et sa troupe reprennent Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing.

Retour en arrière : après avoir tapé dans un ballon et pianoter sur un accordéon durant sa campagne, Valéry Giscard D’Estaing, remporte les élections présidentielles au printemps 1974. Il peaufine, alors, son image d’élu du peuple, en s’invitant avec son épouse chez des familles françaises.

Le Dîner chez les Français.., reconstitue l’opération médiatique, à ceci près que le repas s’étale sur un septennat.

Ainsi, quelque part en Normandie, pour le réveillon du nouvel an, les Deschamps-Corrini, grands parents et parents d’un nourrisson qui remplit l’office du chœur antique (sic), reçoivent à leur table Valery et son épouse Anne-Aymone Giscard D’Estaing.

Le souper s’amorce sous d’agréables auspices, au diapason du mandat du timonier qui, une fois aux affaires, abaissa l’âge de la majorité légale, dépénalisa l’interruption de grossesse, libéra la censure.. . Puis surgirent les chocs pétroliers, annonciateurs de mesures d’austérité qui écornèrent son image réformiste.

Les repères historiques cimentent la base d’une comédie documentée, ici, en l’occurrence, une fête qui tourne mal. Au fil du service et des années, les portions s'amaigrissent, les déceptions s’amoncellent, les relations s’assombrissent.. . La satire bon enfant tourne aux clivages pamphlétaires.

Les plombs sautent, les portes claquent, l’ambiance se détériore au gré des frustrations et déclassements. Même les tubes de l’époque : des joyeux Rois Mages de Sheila, aux scies disco d’Alexandrie Alexandra, en passant par Il ne rentre pas ce ce soir, subtile tranche de désespoir découpée par Monsieur Eddy, scandent la fin d’un idéal, la perte de l’innocence. L’ascenseur social, la prééminence de l’intérêt général cèdent la place à la liberté des prix, à la productivité et au tout nucléaire.

Auto-proclamé conservateur progressiste, le premier président moderne ouvrit une boîte de pandore, de laquelle s’échappa la loi des marchés. Tel est la maxime de cette fable loufoque, servie par un septuor bien rodé et néanmoins sur-compressé par la tempétueuse Hélène Rencurel,

Si Génération Mitterrrand adopte une forme plus convenue du théâtre documentaire, Le Dîner chez les français... relève d’un vaudeville, qui à l’instar des inégalables comédies Italiennes des années 60-70, utilise l’art satirique comme un scalpel plongé dans les inclinations politiques et leurs répercussions dans l’évolution et l'humeur d’une société.

À chaque représentation, les jeunes découvrent, les seniors valident. Et tout le monde s’amuse et réfléchit. Pas de doute, ce Dîner chez les français... est un vrai divertissement populaire et démocratique.

Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing : 21H30, dimanche 27 juillet, Espace J.B Niel Valréas, dans le cadre des Nuits de l'Enclave.

Réservations : https://nuits-enclave.com/

Photographies : Valentine Chauvin

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