Un spectacle à ciel (presque) ouvert pour une plongée dans l’enfermement, tel est le paradoxe de Henriette ou La Fabrique des Folles. Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, dans le demi-plein air de la Chapelle Saint-Jean, demeure une petite boîte qui sera tour à tour la chambre, la cellule et l’univers mental d’une femme qui aura passé 46 ans de sa vie dans un hôpital (à l’époque l’on disait asile) psychiatrique.
En 1930, Henriette Ouzilou, 32 ans, est internée à l’asile d’aliénés de Montperrin au 3 BIS F de Aix-en-Provence. Henriette est l’arrière grand-mère de Cyrille Atlan. L’aïeule est au centre de l’ultime segment de la trilogie EXIL/EXIT où l’autrice documente les éloignements qui jalonnent son histoire familiale.
Accompagnée par la clarinette, le saxophone, la guitare de Pascal Demontant, épaulée par les bons conseils de Gaëlle Pasqualetto rompue au formes animées, Cyrille Atlan délivre une partition en partie écrite en résidence au Centre National des Ecritures du Spectacles, inclus dans la Chartreuse.
Cric-cric, crac-crac, le récit imagé, déstructuré, dépeint les tracas domestiques et un quotidien dans l’Algérie française où vécut la jeune juive sépharade. Il s’attache, par la suite, à la chronique de l’internement. Le témoignage s’émaille de rapports cliniques, récupérés par Cyrille dans les archives de l’hôpital.
La partition prends corps à l'intérieur d'une petite machine à jouer. La literie façonne des fantômes, un châle devient ramage et, derrière les rideaux, se dessinent de troublantes ombres portées. Le récit déroule une épopée intérieure où le baroque de la phraséologie résonne avec l'imagerie à la fois miniature, élémentaire et inouïe, qui se déploie au sein de cette cellule-castelet.
Cyrille Atlan synthétise ses expériences dans le théâtre, la marionnette et l’espace public, au fil de cette proposition à la fois limpide et époustouflante de rigueur, d’invention et de clairvoyance.
Henriette Ouzilou repose dans la fosse commune du carré israélite du cimetière de Aix-en- Provence. Mais sous les ogives préservées de la chapelle Saint-Jean, elle nourrit désormais un moment où, à défaut de divin, subsistent la poésie de l’imaginaire et la grâce de l’artisanat.
Une splendide découverte.
Henriette ou la fabrique des folles : 22H, Chartreuse de Villeneuve lez Avignon.
Jusqu’au 20 juillet
Une coréalisation avec le festival Villeneuve en scène.
Réservations : https://www.festivalvilleneuveenscene.com/
Photographies : Nathalie Ancé.