De sable et de sang

Actualité du 09/07/2021

La proposition s’intitule Liebestod (l’amour de la mort) allusion au final de Tristan et Isolde, opéra de Richard Wagner. Elle est sous-titrée : l’odeur du sang ne me quitte pas des yeux. Le projet est un hommage à Juan Belmonte, toreo spirituel dont le suicide est à l’origine du Ne plus pouvoir vivre développé par le philosophe-écrivain Emil Cioran.

Pas de doute la Mort est à nouveau au rendez vous dans la dernière création d’Angelica Liddell. Au cœur de l’arène Angélica boit le vin, rompt le pain, verse le premier sang. Elle feule, ondule, se pâme, s’étend au pied d’un bestiau, délie une fascinante chorégraphie, comme une langue de signes entre elle et la bête.

Dans un second temps, elle se plante, micro en main et déverse sur l’assistance un flot d’auto-détestation, d’imprécations furieuses (un certain esprit français est habillé pour le compte). La diatribe est cinglante, violente même, mais assénée avec le Duende du matador et un esprit de colère digne de Thomas Bernardt, autre écorché sublime.

A part ça Angelica est toujours ulcérée par les injustices, accablée de chagrin, hantée par la dépression, rongée par la solitude. A l’os, au bout du bout. Angelica attend la mort. Mais elle s'offre avec une telle rage de vivre qu'elle s'éteint devant un public debout.

Placé sous le signe de Belmonte, Cioran mais aussi Stanley Kubrick, cité à trois reprises, sans oublier Reiner Werner Fassbinder, Robert Bresson.., Liebestod est un office majestueux mais sans lourdeur, sculptural mais sans posture. Un cérémonial défroqué et splendide comme dans un grand film d’Alessandro Jodorowski.

Hé oui, cerise sur le taureau, Angelica Liddell est une sacrée cinéphile.

Du 8 au 14 juillet,17H, Opéra Confluence. Relâche le 10.

Photographies: Christophe Raynaud de Lage.

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