Trois femmes, dont une sous la table, écoutent la prêche de minuit du pape Jean-Paul II. Emma, Grete et la petite Marie fêtent Noël. Entre une zapette et un sapin anémié, les obsessions chroniques bousculent le recueillement et la convivialité. En charge d’un fils alcoolique Erna jauge le bonheur au tarif du pâté de foie. Abandonnée par sa fille, Grete se débat avec sa fringale sexuelle. Quant à la petite Marie elle se délecte d’une célébrité liée à ses capacités à déboucher les commodités. Les névroses et l’enivrement plongent la fête dans un maelstrom de salacités.
Les présidentes est le premier des 4 drames fécaux écrits dans sa brève existence par Werner Schwab (1958-1993). De la scatologie au grand guignol, le dramaturge germanique agonise l’ignorance crasse, la suffisance vaniteuse de certaines classes moyennes. Les ressassements des unes et des autres renvoient aux imprécations furieuses de Thomas Bernardt, les fluides corporels en plus.
Les outrances démesurées de la partition devaient être confiées à des actrices hors normes. Laurent Fréchuret a réuni le trio adéquat. Fidèle interprète de Jean-Luc Lagarce et Olivier Py, Mireille Herbstmeyer endosse la rapacité d’Erna. Découverte dans le Off 2015 au Théâtre des Halles dans La mate, seule en scène autobiographique, Flore Lefebvre des Noëttes donne toute son envergure à Grete, vamp de vins d’honneur. Poétesse, metteure en scène, actrice Novarinienne ( la scène, L’inquiétude…) Laurence Vielle habille de sa voix lunaire et sa silhouette dégingandée les illuminations sanitaires de Marie.
Texte bestial porté par trois bêtes de scène, Les présidentes porte très haut le théâtre de la cruauté. La proposition s'encaisse comme un shoot d’oxygène dans un temps ou le vivre ensemble et la bienveillance ne sont plus que des éléments de langage pour décideurs trépanés.
Du 7 au 29 juillet, 20H40, 11 théâtre.
A voir, toujours mis en scène par Laurent Fréchuret : Le pied de Rimbaud, aussi grinçant mais plus reposant. Jusqu’au 30 juillet, 16H30, Théâtre des Halles.