Élisabéthain par dessus tout

Si elle n’est pas la plus connue de Shakespeare, Richard II demeure une pièce emblématique du Festival d’Avignon. En 1947, l'œuvre fut choisie par Jean Vilar pour ouvrir, au sein du Palais des papes, la première Semaine d’Art, prémisse du Festival.

La pièce revint dans la cour en 1982, grâce à Ariane Mnouchkine qui transposa l’intrigue à l’époque des samouraïs. Il y a 12 ans, dans ce même lieu, Denis Podalydès endossait à son tour le rôle, sous la direction de Jean-Baptiste Sastre dont l’austérité des partis pris décontenança critiques et spectateurs.

Cette année Richard et son cousin Bolingbroke are back! Non plus en plein air mais dans la boîte noire du Gymnase Aubanel. Au cœur de l’obscurité les protagonistes se succèdent en une suite d’apparitions. Puis l’espace se démultiplie par l’effet des projections réalisées par Etienne Guiol. Ces images somptueuses nous transportent au cœur du parlement où les seigneurs mettent à l’épreuve loyauté et félonies.

Car, même si les uns et les autres ne cessent de lever des armées pour défendre leurs intérêts, Richard II est une pièce dans laquelle le discours supplante l’action. Face à son cousin porté par la population, Richard est un souverain légitime peu concerné par l’exercice de ses prérogatives. En costume trois pièces immaculé avec ses (habituelles) poses dandy, Micha Lescot traverse le drame, l’esprit ailleurs, persuadé avant terme de l’issue du conflit.

Le souverain n'est pas en phase avec son peuple et s’en trouve bien ainsi, à ceci près qu’il ne s’accroche pas à la charge que lui transmet sa dynastie. Cette attitude constitue sans doute l’une des motivations de Christophe Rauck. Pour sa première grande production avignonnaise, le metteur en scène développe un lyrisme gothique, équilibre judicieux entre le trait épuré des silhouettes et le tumultueux ressac des ambitions.

Les femmes restent en retrait dans cette histoire d’hommes, à la fois cérébrale et tempétueuse, portée par des personnages qui revendiquent ou vocifèrent au sein d'arènes ténébreuses. Un monde de complots et d’ambitions qui fascine, dépasse. Et parfois engloutit.

Tout en désinvolture désenchantée, Richard le deuxième du nom demeure élisabéthain par de dessus tout

Richard II: 18H, Gymnase Aubanel, jusqu’au 26 juillet.   Photographies: Christophe Raynaud de Lage.

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