Lieder en voie de requalification

Samuel Achache affectionne les habitations précaires, les tournure musicales et le plein air. En 2015, pour Fugue, il plaçait une improbable cabane entre les deux platanes du Cloître des Célestins. 7 ans plus tard, le bonhomme livre Sans Tambour et érige un pavillon en décrépitude, cerné par les voûtes du Cloître des Carmes.

Si l’habitation vacille, le couple qui l’occupe est largement lézardé. Les cloisons peinent à résister à la déréliction en marche. Entre Zola et le mélodrame, les ressassements de Maurice Pialat et le pointillisme de Georges Simenon, la chronique naturaliste bifurque vers la forme opératique par l’entremise d’un sextuor cordes, vents, anches, piano, voix. Du lied de Schumann aux esquisses bruitistes en passant par les polyphonies et le parlé-chanté, Samuel Achache combine les esthétiques musicales qu’il tuile d’humour et d’insolite.

Les lieds ciselés chers aux romantiques se malaxent avec l’ironie élégiaque d’un Jacques Tati, d’un Pierre Etaix ou les saccages burlesques de Blake Edwards. En théorie, la mixture relève de l’improbable. Mais au plateau le brouet ne manque ni d’épices, ni d’harmonie. Exécutés dans un sérieux imperturbable et une précision millimétrée, les tableaux s’enchaînent, le chaos se poursuit dans le rire et la rêverie.

Plus que la virtuosité ou la parodie, ce projet atypique démontre que les Tristan, les Yseult, les sentiments trahis, les amours contrariés relèvent d’une permanence qui défie le temps et les déterminismes sociaux. En dépit des rayures et des baisses de tension, la musique demeure, les sentiments s’éveillent et s’estompent ad libitum. Samuel Achache, sa mélancolie déjantée se révèlent de bien agréables fréquentations.

L’on remarquera que dans Sans tambour les pupitres ignorent les percussions. CQFD.

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