La classe de français

Au début il y a le noir, puis de vagues grognements. Peu à peu une silhouette apparaît, féminine, voûtée. Puis une table, un tabouret.. . A l’écoute de ce qui se marmonne on est dans une classe, une classe de français, en compagnie d’une harpie à l’orthographe incertaine et à la digestion tourmentée.

Soudain entre deux jurons et quelques cabrioles, Madame Hyde devient Miss Jekyll, enseignante prévenante qui cite Rimbaud, adule Camus, fredonne Ferré. Chez sa consœur, c’est vers (H)antigone que va sa préférence. Selon la tradition, Hyde et Jekyll ont une seule interprète. Edwige Bailly est son nom. On la songe clown, danseuse, mime, acrobate, performeuse et accessoirement comédienne. En réalité Edwige est chanteuse.

L’artiste couteau-suisse propulse une sarabande aux objectifs incertains. Que peut rapprocher cette pédagogue délicate et ce prof déjanté, si ce n’est l’amour des belles lettres ? Ou l’amour tout court ?

Au fil de la tornade transparaît l’esprit de révolte, de résistance propre à l'héroïne chère à Sophocle.

Tout ça pour l'amour! s’inspire de l’idylle interdite entre Gabrielle Russier, agrégée de lettres et l’un de ses élèves adolescent. L’affaire secoua la France de la fin des années 60, jusqu’à générer un film réalisé en 1971 par André Cayatte et cité dans le spectacle par Aznavour interposé.

Élégie à la belle langue, éloge de la passion et ses vertiges, Tout ça pour l'amour! agonise la bêtise et l’ignorance dans une créativité débridée, un tourbillon réglé au cordeau, admirablement mis en lumière et interprétée par une silhouette en caoutchouc au débit effréné mais toujours cristallin

On s’étonne, on s’amuse, on se souvient, on est parfois débordé par le trop plein. Mais qu’importe à ce niveau là il n’y pas de place pour la litote et le pas assez.

Avec Tout ça pour l'amour!, le Off 2022 tient son Objet Théâtral Non Identifié. Et son triomphe assuré.

Du 7 au 28 juillet, 14H15, Théâtre des Doms (relâche les mardis)

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