Mur murs

Jacques Bonnaffé aime les mots qui musclent la langue et titillent les neurones. Rien d’étonnant à ce que l’acteur se mettent au service de Jean Portante. L’homme voit le jour en 1950 au Luxembourg où travaillent ses parents venus d’Italie. Le traducteur slalome entre l’allemand, le français, l’italien. L’écrivain revient sans cesse aux périples, aux odyssées, plus ou moins glorieux, plus ou moins consentis, qui jalonnent l’Histoire et envahissent l’actualité.

Casquette et pardessus, un homme vitupère de part et d’autre d’un périmètre à l’intérieur duquel, une table et des chaises suggèrent un chez soi. Le quidam se raconte des Alpes du Sud jusqu’aux aciéries qui, encore au siècle dernier, développaient des villes, façonnaient des cultures au quatre coins de la Mitteleuropa.

Emporté par un flot d’imprécations, le spectateur se raccroche à quelques branches, constituées d’épisodes biographiques en lien avec les origines de l’auteur. Plus loin, il apparaît que nous sommes dans les pensées fragmentées d’un travailleur qui chaque jour passe la frontière entre la Lorraine et le Luxembourg. Les épopées d’Ulysse le vainqueur, d’Enée le vaincu, croisent des enfants gisants sur une plage, percutent des murs qui à Berlin empêchent la fuite ou, à Calais et Lampedusa, préviennent une irruption dont on dénie les origines.

Coincé dans son bouchon, l’automobiliste s’exaspère : Combien de mots faut-il pour que bougent les lignes ? Dans sa diction particulière qui laisse deviner un accent de nulle part, Jacques Bonnaffé zigzague dans ce précipité d’indignations, de rêveries et de repères mémoriels.

Le discours de ce Frontalier est torrentiel et essentiel.

Frontalier: 12H15, Théâtre du Balcon, jusqu’au 30 juillet.

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