Sur le plateau : une forêt de conte de fée mais après le passage des tronçonneuses. Nous ne sommes pas en Amazonie, mais quelque part dans le Nord de la France. Déa croise Enis. Avec sa mère, ce dernier a quitté l’Afrique pour la Grèce. Sur place, il décida de rejoindre la France qui lui refuse le statut de mineur isolé. Enis s’'évanouit dans la nature, jusqu’à sa rencontre avec Déa.
Passées les premières stupeurs, un dialogue s’instaure entre les jeunes gens. L’échange est brusquement interrompu par un interrogatoire. Sur un écran, la même Déa est soumise à un enquêteur qui l’accable de questions et sous-entendus.
Écrit et mis en scène par Alexandra Badéa, Celle qui regarde le monde traite de la tragédie des migrations mais, plus encore, des perspectives d’avenir qui s’offrent aux adolescents, qu’ils soient démunis ou protégés. Enis découvre l’hospitalité évasive des pays libres. A son contact, Déa prend conscience d’une éducation formatée pour l’obéissance et la productivité.
Quelle est la place réservée aux rêves, aux désirs, aux utopies, dans un monde où il n’y aurait plus d’alternative ?
Venue d’un théâtre d’idées, son Europe Connexion demeure un sommet du pamphlet documenté, Alexandra Badéa aligne des échanges, qui versent parfois dans la théorie sur-écrite. Mais la réflexion s’avère à la fois judicieuse et profonde.
La structure dramatique, entre théâtre et cinéma, combine habileté et efficacité. Porté par des interprètes, Lula Paris et Alexis Tieno en tête, toniques et frémissants, on s’affronte et se rencontre, on s’entend et se comprend, au milieu des ces souches qui laissent augurer, pourquoi pas, des forêts à venir, des oasis d’après.
Celle qui regarde le monde : 11-théâtre, 11H25, jusqu’au 26 juillet.
Photographies : Pascal Gelly.