Une gouvernante qui mitraille

Cela tient de l'investigation et de l’interrogatoire. Il faut reconnaître que le sujet ne manque ni de mystères, ni de paradoxes. Que dire, par exemple, d’une femme qui, trente cinq ans durant, prend, en moyenne, douze photos par jour, sans jamais les développer. Que penser d’une Nanny qui traîne, mitraille, découpe, accumule, tout en prenant soin des bambins qui lui sont confiés.

Cette personne a bel et bien existé. Mais Vivian Dorothy Maier (1926-2009) passa sous tous les radars, jusqu’à ce qu’un chineur décide de dérouler quelques tubes de pellicule, amassés dans des cartons. En 2017, ce drôle de destin inspire Toute entière à l’écrivain Guillaume Poix.

Pour appréhender cet être insaisissable, Réjane Bajard au jeu, Olivier Morin à la mise en scène, sollicitent les codes du polar. Telle une inspectrice, une comédienne accable de questions son personnage (quid des enfants lorsqu’elle photographiait ?), l’enserre dans ses contradictions (pourquoi photographier et rarement révéler ?). Et que conclure de cette discrétion endémique face à cette inclination pour l’autoportrait ?

L’enquêteuse pilonne la mitrailleuse. Les énumérations qui rythment la partition, la diction précipitée et néanmoins limpide de Réjane Bajard, traduisent la logique obsessionnelle de l’une, face à l’excentricité compulsive de l’autre.

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’y a rien à comprendre. Et celle qui veut savoir se dissout, peu à peu, dans l'empilement de colis où sommeillent la vie et les fantômes de celle qui se contentait de regarder.

Voilà ce qui ressort de cette incartade, inside Vivian Maier, à la fois documentée, kafkaïenne et magistralement délivrée.

Toute entière Vivian Maier, 18H15, L’Entrepôt-Mises en scène, jusqu’au 29 juillet (relâche le lundi).

Réservations: 04 90 88 47 71.

 

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