En conformité avec la directive, nous venons vous installer la peur! Ainsi se justifient les deux ouvriers : un maigre, un gros, en tissu écossais, lorsqu’ils s’invitent dans l’appartement d’une jeune mère aux abois. Les bonhommes tirent des câbles, exhibent des perceuses, tout en déroulant les bienfaits de la terreur planifiée, via les technologies dernier cri.
En collaboration avec Michael Stampe, Alain Timar adapte L’installation de la peur, roman de Rui Zink. Peur de perdre, appréhension de l’étranger, anéantissement de l’intimité, mesures sanitaires, menaces guerrières.., l’écrivain portugais recense les inquiétudes mondialisées. L’inventaire dessine les contours d’une humanité où quelques uns assoient leur pouvoir par l’intimidation de beaucoup d’autres.
D’Alain Timar l’on connaît son affection pour le cirque et les clowns. Inspirées par Rémi De Vos (Sosies 2021) ou Serge Valletti (Pour Bobby, A plein Gaz 2019), ses dernières créations, traduisent une inclination pour l’ironie et la mise à distance humoristique.
Rien d’étonnant donc à ce que L’installation de la peur, énonce son mode d'emploi, non à une tribune mais sur un promontoire instable. Là, une Madame Loyal annonce, pontifie, tel un chœur antique ou une maîtresse de cérémonie. Échappés d’un film de Fellini, rompus au burlesque méthodique et catastrophique chers Stan Laurel et Olivier Hardy, des Augustes et une Colombine convoquent le cinéma mais aussi le music hall, le Musical surtout le cabaret.
L’ironie corrosive de la partition, la cruauté des situations, le jeu expressionniste des interprètes, le recours régulier au parlé-chanté, ressuscitent l’ambiance acide et délétère, distillée par Valeska Gert et Karl Valentin. Dans les cabarets Berlinois des années 20, la danseuse-performeuse, le chansonnier, au diapason de Bertholt Brecht dans les théâtres, opposaient une impertinence sardonique au nazisme émergent.
Par ses références multiples et prestigieuses, l’ambition de L’installation s’avère haute et risquée. Mais le défi est relevé par une distribution infatigable, conduite par une mise en scène scrupuleuse, qui s’abreuve à la farce sans céder à l’outrance, qui assure le rythme sans verser dans la précipitation.
L’installation de la peur est une catharsis virevoltante où l’on s’amuse, l’on grimace et l’on danse au bord du précipice. Mais les yeux grands ouverts, toujours attentif où l’on pose ses pieds.
Willkommen! Bienvenue! Welcome!
Interview d’Alain Timar.
L’installation de la peur, samedi 22 octobre, 20H30, salle Georges Brassens Bollène.
Reservations:https://cddv-vaucluse.com/theatre-alain-timar-octobre/