Grands frissons

Tremblons ensemble ! Le Festival du Polar de Villeuve les Avignon place sa 18ème édition sous le signe de la peur. Évoquer jusqu’à valoriser ce sentiment peut susciter une réaction cathartique face aux déferlantes anxiogènes dont certaines provoquèrent l’annulation de 2020 puis une édition sous contraintes en novembre dernier.

La peur sera disséquée au cours de tête-à-tête avec les auteurs notamment Franck Thilliez, orfèvre du thriller, au fil d’expositions (Oser pour trembler, onze plasticiens face à la couleur noire), à travers des lectures et spectacles pour petits et grands. Elle sera chahutée dans l’espace jeu et à l’occasion d’animations scolaires. Carburant essentiel de la littérature policière, la peur régnera sur Villeneuve lez Avignon mais pour le plaisir et toujours en grande intelligence.

L’édition de la majorité pour le Festival du Polar commentée par Corinne Tonelli, directrice de la programmation.

Festival du Polar, le programme en détail:https://polar-villeneuvelezavignon.fr/

To thrill : frissonner. Le thriller et ses diverses nuances est au cœur de la Nuit du noir qui, durant ce week end du 11 novembre se multiplie par 3. L’effroi, l’épouvante dominent la soirée de jeudi consacrée à Stephen King pourvoyeur de romans noirs souvent horrifiques, régulièrement adaptés au cinéma. Le huis clos constitue le trait d’union entre les deux films choisis.

L'adaptation conserve l’esprit et la saveur du roman. C’est un bon gros film rentre-dedans. Ça ne bouge pas et ça n’arrête pas de cogner. Il n’y a aucune finesse, pas plus que de prétentions.

Stephen King s’exprime sur Cujo. Écrit en 1981, ce roman de jeunesse enferme une jeune mère et son petit garçon dans une automobile assiégée par un Saint-Bernard enragé. Monteur, réalisateur, formé à l’école de Roger Corman, Lewis Teague relève la gageure de l’unité de lieu par l’entretien d’une tension permanente, ponctuée la fulgurance des attaques du bon gros toutou monstrueux. L’engagement de Dee Wallace Stone dans le rôle de la mère en quête de rédemption prend sa part dans l’efficacité de ce joyau de terreur immobile. Cujo, jeudi 10 novembre 18H45.

Citation extraite de "Stephen King at the movies" by Jessie Horsting, Starlog special signet.

Il existe quelques similitudes entre Paul Sheldon auteur de bluettes style Arlequin et Stephen King spécialiste es-romans noirs. L’un et l’autre restent, à leur corps plus ou moins défendant, prisonniers de leur succès. A tel point que le premier décide de donner la mort à Misery, héroïne récurrente de ses histoires à l’eau de rose.

Victime d’un accident de la route, Sheldon se retrouve immobilisé dans le plâtre aux bons soins d’une infirmière à domicile. Passée l’empathie des premiers jours, il s’avère que la soignante, par ailleurs l’une de ses ferventes lectrices, désapprouve de plus en plus ouvertement le sacrifice de Misery.

Auréolé du triomphe de Quand Harry rencontre Sally (1989), devenu depuis mètre étalon de la comédie romantique, Rob Reiner change de registre et revient à Stephen King qu’il avait côtoyé quatre ans plus tôt, lors de Stand by me adapté d’une de ses nouvelles. Unité de lieu oblige la claustrophobie est de rigueur et les acteurs sont à la fête. En perte de vitesse James Caan, le fils turbulent de Marlon Brando dans la saga du Parrain, accepte un contre emploi qui relancera sa carrière. Mais c’est sa partenaire Kathy Bates, jusqu’alors cantonnée aux seconds rôles qui décrochera le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure actrice en 1990 pour sa composition dans Misery. Projection jeudi 10 novembre 21H.

Vendredi 11 novembre, place à une soirée drogue dans le tinel de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon !

Le film s’amorce sur une poursuite à travers un labyrinthe de ruelles, suivie par une descente dans un squat à ciel ouvert. Toutes sirènes dehors, les policiers arrêtent ou dispersent des toxicomanes, jeunes, adultes, vieillards, nichés dans des conduites en fibrociment. Suite à l’assaut de son duplex, un chef de réseau est arrêté, amené au commissariat et jeté dans une salle où s’entassent des centaines de dealers-consommateurs. Nous ne sommes pas à Paris, New York mais au cœur de la capitale iranienne.

Tourné in situ, gorgé de cris et d’énergie, La loi de Téhéran confirme à son tour la vitalité du cinéma iranien. Au même titre que Mohamad Rasoulof (Un homme intègre 2017), Jafar Panahi (Le Cercle, 2000, Sang et or, 2003) et bien sur Asghar Farahdi dont le dernier film Un héros, décrocha l’an dernier le Grand Prix du Festival de Cannes, Saeed Roustayi applique à son tour le principe, porté à sa quintessence par les films de Sidney Lumet (1924-2011), selon lequel le fonctionnement de la police reste le premier révélateur de l’état d’une société. La loi de Théhéran, vendredi 11 novembre 18H45.

Intégralité de la critique c'est par ici:https://www.michel-flandrin.fr/cinema/iran-stupefiant.htm

 

Avant de frayer avec les blockbusters de science fiction : Dune (2021), Blade Runner 2049 (2017) et surtout Premier contact (2016) sublime variation autour du 2001 de Stanley Kubrick, Denis Villeneuve signa un triptyque inspiré par certains stéréotypes du thriller. Après le tueur en série (Prisoners 2013), la personnalité dédoublée (Enemies 2014), Sicario (2015) aborde la drogue et ses luttes afférentes.

Centrée sur Kate Macer (Emily Blunt), agent du FBI affecté à sa demande à la brigade des stupéfiants sur la frontière entre l’Arizona et le Mexique, le film confirme l’attention du réalisateur pour des caractères partagés entre obsessions et dépression, à laquelle s’ajoutent une rythmique narrative sans faille et des partis pris réalistes jusqu’au morbide. Le scénario de Taylor Sheridan (Comancheria (2016), Wind River (2017) combine à nouveau péripéties criminelles et mythologies propres aux westerns. Sicario, vendredi 11 novembre 21H30.

La dernière soirée du samedi 12 novembre s’annonce comme la plus atypique.

Une procédure de divorce restituée comme un film d’angoisse, Xavier Legrand maintient ce cap tout au long des négociations et stratagèmes qui s’enchaînent jusqu’à la garde. Le récit s’ouvre sur le jugement de séparation. Par la suite Miriam et Antoine s’affrontent autour de leur jeune fils. Le point de vue adopte un processus alterné. A charge au spectateur-témoin de reconstituer les rapports du couple et d’établir les causes et responsabilités du conflit et de la désunion.

Jusqu’à la garde traque la perversité ou les peurs, dissimulées derrières les attitudes, regards et autres bribes de phrases. Les expressions furtives de Léa Drucker face à la masse aphasique de Denis Ménochet renforcent encore l’enfer intime dessiné par ce pur exercice de mise en scène. Jusqu'à la garde, samedi 12 novembre 18H45.

Retour au huis clos pour le dernier film de la sélection. Cantonné dans un motel par une soirée d’orage, Identity épice une énigme façon Agatha Chritie de morts violentes inspirées par les slashers type Vendredi 13 modifiés Silence des agneaux. L’affaire est rondement menée par James Mangold, conteur subtil et efficace aussi à l’aise dans le biopic (I walk the line, sur la vie du chanteur Johnny Cash-2005) que la machine à super héros (Logan 2017). John Cusack, Alfred Molina, Rebecca De Mornay et le regretté Ray Liotta exécutent leur partition au fil d'une histoire prolixe en clins d’œil et peu avare de rebondissements. Identity, samedi 12 novembre 21H.

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