Vierge porteuse

Actualité du 27/03/2024

Sydney Sweeney aurait-elle un goût pour les calvaires ? Dans Reality (Tina Slatter 2023), l’actrice personnifie Reality Winner, traductrice employée de l’US Air Force, accusée de divulgations de documents top secrets. Inspiré de faits réels, le récit s’appuie sur la transcription des interrogatoires menés par les agents (masculins) du FBI, à l’encontre de la jeune femme assignée à domicile. Auréolée de ce premier succès et des bons résultats de la série adolescente Euphoria, la comédienne produit et tient le rôle principal de Immaculée.

Livrée à elle-même, suite à la fermeture de la colonie religieuse qui l’hébergeait outre-Atlantique, Cecilia trouve refuge dans un couvent quelque part en Italie. Après avoir prononcé ses vœux, la nonne potasse la langue locale, au fil des activités de l’hospice, dédié aux religieuses en fin de vie. La transfuge s'avère quelque peu chavirée par la solennité doloriste de l'institut qui conserve, relique suprême, un clou arraché à la croix du Christ.

Annonciatrice d’une bande de terreur à base de revenants et d’esprits frappeurs, l’intrigue prend une dimension inattendue lorsque Cecilia se découvre dans le même état que la Vierge Marie.

Mais la béatitude attendue cède la place au doute jusqu’à la rébellion. Aux antipodes de l’héroïne atone de Rosemary’s baby (Roman Polansky-1968), Cecilia se lance dans une quête d’explication, concomitante au refus des traitements édictés par les préfets de la congrégation.

Film de couvent, Immaculée se range dans les brisées de Benedetta (Paul Verhoven-2020), des Diables (Ken Russel-1971) qui, aux déprédations satanistes, optent pour les exactions d’une inquisition.

Imaginée par Andrew Lobel, réalisée par Michael Mohan, la production américano-italienne respecte les divergences de langage qui déstabilisent l’héroïne. Tournée dans la Villa Parisi, haut-lieu de l’âge d’or du fantastique transalpin, qui accueillit entre autres, Les Nuits de l’épouvante (Elio Scardarmaglia-1966) et Une hache pour la lune de miel (Mario Bava-1970), la bande aligne dans sa première moitié, les analogies à de glorieux aînés, dont Suspiria (Dario Argento-1977), incontournable huis-clos au sein d'une académie féminine.

Amorcée lors de la cérémonie des vœux, au cours de laquelle Cecilia peine à baiser la bague d’un prélat cacochyme, la révolte éclate dans le second segment, combat au finish entre une miraculée dissidente et des vicaires dangereux. Satan reste aux abonnés absents tout au long de ce bref affrontement (88 minutes), machiavélique, sauvage, haletant, jusqu’à l’épilogue où Sydney Sweeney transfigure un plan séquence à damner le dernier des évangélistes.

Percutant, stylé, vent debout contre les fanatismes et les bastions patriarcaux, Immaculée stigmatise et assène pour le compte les dérives du sacré.

Un Bon Dieu de sacré bon film.

Photographies : Fabio Lovinio.

 

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