Au théâtre, elle a servi Lorca, Tchekhov et Shakespeare (of course). Au cinéma, elle fut sollicitée par Woody Allen (Le Rêve de Cassandre 2007, Blue Jasmine 2013). Mike Leigh la distribua à plusieurs reprises (All or Nothing 2002, Vera Drake 2004) et lui donna le rôle de Poppy, figure solaire et inoubliable de Be Happy (2008). Elle fraya avec le Fantastique grâce Guillermo del Toro qui la transforma en femme de ménage muette, figure centrale de La Forme de l’eau (2017). Pour un plus grand public encore, elle reste la mère adoptive de l’ours Paddington (Paul King 2014-2017).
Dans Substitution, Sally Hawkins prête sa frêle silhouette et son apaisante bonne humeur à Laura. Autrefois psychologue pour enfant, celle-ci héberge les jeunes que lui confient les services spécialisés. En conséquence et suite au décès de leur père, Piper (Sora Wong), adolescente mal-voyante et Andy (Billy Barrat), son demi-frère aîné, rejoignent Oliver (Jonah Wren Phillips) dans la villa de Laura.
Emprise du deuil, famille explosée, adolescence abîmée, déjà palpables dans La Main, leur coup d’essai diffusé en 2023, ces thèmes sous-tendent la nouvelle bande de Danny et Michael Philippou. Mais, cette fois, les prétextes psycho-sociologiques s'engloutissent dans un maelström aussi cauchemardesque qu’inattendu.
En effet, à l’instar du sourire bienveillant de la maîtresse d’une maison dont les chambres ne ferment pas ; d’une hôte qui se jette illico sur les messageries cellulaires de ses protégés, Substitution ignore toute montée en tension et précipite, sans ambages, personnages et spectateurs dans un gouffre de stupéfaction.
Unité de lieu, orage perpétuel, démesure fantasmagorique, Suspiria (1977), les ressassements expressionnistes de Dario Argento et, plus récents, les acharnements organiques de Coralie Fargeat (The Substance 2024), hantent le puits sans fond hallucinatoire. Sans préjuger du déroulé de leurs premières années, force est de constater que les frangins australiens concoctent un précipité inouïe de névroses intérieures et de cruautés morbides.
Pourtant, permanent, excessif, parfois à la limite du soutenable, le tir de barrage ne s’étend jamais dans la complaisance. Le voyage halluciné prend l’allure d’une exploration façon H.P Lovecraft (1890-1937), sur les territoires du chagrin, de la maltraitance, de la solitude et du désespoir.
Tout reste effroyable et humain d’un bout à l’autre de ce cauchemar perpétuel où se superposent les douleurs, où se cristallisent les frustrations. Par delà le spectacle cinématographique, Substitution relève d’une expérience qui bouscule les stéréotypes du genre et le confort des regardeurs.
Voilà bien un film hors-normes qui ne laisse pas indemne. Mais pas forcément pour de mauvaises raisons. Quoi qu’il en soit et pour conclure sur Sally Hawkins, une chose est sure : la mère de Substitution n’a vraiment rien à voir avec la maman de Paddington.
Photographies : Sony Pictures.