Off Florilège # 2

 

M. un amour suprême 

A la suite du dessinateur Giovanni Galli (Giovanni en attendant la bombe) puis le littérateur Oreste Fernando Nannetti (Nannetti, le colonel astral), Gustavo Giacosa se penche sur Melina Riccio.

Styliste en pointe dans les années 80, la trentenaire abandonna son atelier pour... convoler avec le Christ. L’internement, la rue.., entourée de quelques protecteurs, Melina élabore aujourd’hui des œuvres in situ, appelées à être démantelées et offertes aux passants.

Nanetti, Giovanni, Mélina.., tel Champollion face à la pierre de Rosette, Giacosa décrypte les mystères de l’art brut. L'artiste dessine des performances-explorations à travers les méandres du mental, le cortège de ses douleurs, le génie de ses fulgurances. Pour l'occasion, aux côtés de Fausto Ferraiuolo et son piano, Gustavo prend la parole et se frotte à la causticité et la narration. 

Tel un Monsieur Loyal ou un animateur de télévision, il raconte une histoire, dresse un itinéraire qui questionne les désordres de la famille, les caprices de la mode. M. un amour suprême se suit comme un rituel, une émission de variétés ou encore une fashion week déglinguée qui met en dialectique le culte de la consommation, l'art et le marché de la récupération.

M. un amour suprême : 11H du 5 au 26 juillet, Théâtre des Halles . Relâche le mercredi.

Intégralité de l'article et interview de Gustavo Giacosa : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/storia-di-milena.htm

Photographies: Philippe De Pierpont

 

 

Harlou 

A l’origine de Harlou!, il y a un loup. Pas le bandeau basique qui barre le haut d’un visage mais un masque qui allonge le profil et vous creuse le regard d’un... loup.

L’accessoire à la façon subtile, est au centre de cette complainte de l’enfant sauvage, colportée par une bonimenteuse, mutine éclaireuse à travers les sentiments complexes suscités par le carnassier. Du prédateur dangereux au paria expiatoire, sans oublier le garou séducteur, le rapport à l’animal traverse légendes, précis philosophiques et questionne de tous temps, la nature, la bestialité et le rapport aux écosystèmes.

Accompagnée par Martin Billé (luth), Dorine Lepeltier-Kovacs (violoncelle), Camille Fritsch agrémente ses récits, de cantilènes issues du répertoire des XVème et XVIème siècles. Nichée dans la douillette acoustique du vestibule du Musée Vouland, l’exploration savante se déploie, agrémentée par le charisme d’une conteuse. Celle-ci chante haut, cause juste et manipule à merveille la parure qui la dissimule, la sublime, jusqu’à l’image finale qui ferme des yeux, scelle une parole et enchante les auditeurs.

Un soupir d’air frais dans la frénétique opulence du juillet avignonnais.

Harlou ! La complainte de l’enfant sauvage : Jusqu'au 26 juillet, 11H30, Théâtre au Chapeau rouge. Relâche le 20.

 

Le Pas de la tortue

Depuis des années Pierre Carrive arpente les routes. Avec Le Pas de la tortue, le marcheur livre son carnet de voyage, Emaillé de photographies, ponctué de virgules musicales composées par Clément Roussillot, le trajet sillonne l'Hexagone : Aveyron (12), Haute-Garonne (31).., puis traverse les océans vers le Brésil, La Guyane.

Les balades génèrent de brèves rencontres avec un catcheur, un sosie de Johnny (pas Hallyday mais Cash L'Homme en noir de Nashville), et cette tortue  charbonnière et placide qui traverse sa cabane. 

Le voyageur remarque les excentricités qui, souvent, camouflent la solitude. En chemin, l'on songe aux contemplations cinématographiques du jeune Wim Wenders (Au fil du temps 1976), aux road-movies mutiques façon Monte Hellman (Macadam à deux voies 1971). Le Pas de la tortue emprunte des voies de traverse, s'attarde dans des bourgs, des hameaux où l'on ne s'arrête pas. Pierre Carrive flâne sur les bas-côtés et vérifie que des gens sans histoire, ça n'existe pas

 

Le Pas de la tortue : 12H10, Théâtre Transversal. Jusqu'au 26 juillet .   

 

Je suis

C’est la mauvaise fée du monde, c’est la sorcière du monde, c’est la bêtise. Il n’y a pas de gens méchants. Il y a des gens bêtes. Mais ce n’est pas de leur faute. Et il y a des gens qui ont peur. Ça c’est de leur faute.

Cette définition, elle sonne, à travers la voix de Jacques Brel dans un passage de #Bêtises. Présentée lors du Festival d'Avignon 2023 la pièce dresse un virulent réquisitoire à l'encontre des mirages connectés qui confisquent l'imaginaire, annihilent le libre arbitre.

La citation est à nouveau incluse dans Je suis. Brel y côtoie quelques leaders extrémistes mais aussi Fabrice Luchini et même Jacques Martin. Pensée pour la rue, la création de la compagnie Evolves passe au plateau, Aux côté de Iris Picard et Andrien Tan, Valentin et Sarah Genin, prodiguent un hip hop vigoureux où l'engament rivalise avec la cohésion.

Du drapeau à la couleur de peau, en passant par les injonctions morphologiques, le quatuor travaille l'identité, mitraille les préjugés, exalte les différences. 

C'est concis, tonique. C'est patriote. De l'Evolves dans le geste en quelque sorte.

Théâtre du Rempart : 13H15, jusqu'au 26 juillet. Relâche le jeudi.

Photographies : Christian de Héricourt.

 

Nageuse de l'extrême

Une jeune femme en maillot de bain (Léna Bokobza-Brunet) raconte sa traversée de la Manche. Une autre (Élise Vigier) stationne dans une salle d'attente.

Les corps sont au centre de Nageuse de l'extrême. Figure tutélaire du Théâtre des Lucioles, Élise Vigier fut atteinte d'un cancer. Son combat, ses états, ses réflexions nourrissent une proposition qui dresse un parallèle entre le long parcours contre la maladie et la nage (extrême) en eau libre (moins de 5 degrés). 

Dans un dispositif bi-frontal, immaculé comme dans une étendue glacée ou en milieu hospitalier, nous plongeons dans le mental de deux êtres, en tête-à-tête avec leur organisme. Préparation physique pour l'une, protocole de soins pour l'autre, leurs carcasses les mèneront-elles à bon port ?

À partir de quel moment un corps n'est plus montrable ? Extraite du spectacle, cette interrogation résume ce singulier dialogue. Un échange qui s'établit lorsqu'on s'aperçoit que l'enveloppe s'effrite, la chair se rebelle ; lorsque notre machine merveilleuse nous échappe.

Nageuse de l'extrême déroule une course de fond, une épopée en creux de laquelle émerge une certitude : La Beauté soigne.

Nageuse de l'extrême : 14H, Le Train Bleu-MAIF, jusqu'au 24 juillet.

Photographie : Jacinthe Cappello.

 

 

Une chose vraie

Dès son entrée en scène Ysanis Padonu expose sa situation : elle est actrice et Alzheimer. Plus précisément atteinte de la maladie de Huntington, pathologie dégénérative et héréditaire. Une chose vraie suit une éprouvante chronologie : les premiers symptômes décelés chez la mère, l'irrémédiable hérédité diagnostiquée chez sa fille.

Diction méticuleuse, voix bien timbrée, la jeune femme se raconte, expose sa condition. Face à la certitude, confrontée à une incontournable malédiction, un protocole est mis en place, à base d'objets qui jalonnent le quotidien ou qui résonnent avec l'intimité. La thérapie introspective entre en parallèle avec des observations factuelles : le racisme latent qui imprègne les plateaux de théâtre où le cabinet de certains neurologues.

Ysanis trône au sein d'un espace immaculé qui renvoie au milieu clinique mais se pigmente de carnations plus chaudes, plus froides, au gré des colères ou des apaisements. Le ton sonne clair, à l'écart de toute grandiloquence. L'on ressort ému et édifié de ce témoignage qui aborde les multiples répercussions de ce processus, face à cette terrible machine à fabriquer du destin. Un exemple d'autofiction.

 Une chose vraie : 15H05, Le Train Bleu, jusqu'au 23 juillet, jours impairs uniquement.

Photographie : Olivier Duvergé Houpert. 

 

 

Elia, généalogie d’un faussaire

Côté jardin : l’atelier d’un peintre à Paris ; côté cour : une chambre d’hôtel marseillais. Ici, Evelyn s’enquiert d’un frère qu’elle ne connaissait pas. Là, Alain étale ses toiles avec placidité. Sur ces deux espaces s’agence un puzzle narratif qui traverse le siècle dernier.

Elia, généalogie d’un faussaire conjugue les lieux et les temporalités dans une dextérité digne des meilleurs feuilletonistes. Les secrets de familles surgissent des abîmes de l’Histoire. 

Écrit et interprété dans le rôle d’Elia, par Jean-Loup Horwitz, le texte agrémente le romanesque d’une approche rigoureuse de l’Histoire de l’art, de sa monétisation et des dommages collatéraux (parfois machiavéliques, voire pittoresques), liés aux barbaries et spoliations commises par les nazis.

Les chagrins sont tenaces et les dénis vivaces. Mais la révélation finit un jour par trouver sa voie. Tel est l’aboutissement de ces chemins de vie, tracés avec esprit et solidement documentés. 

Elia, généalogie d’un faussaire : 15H35 jusqu'au 26 juillet, relâche le mardi. Théâtre du Petit chien.

Intégralité de la chronique : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/faux-et-usage-de-faux.htm

Photographies : Artistic Scenic

 

Sous les paupières

Lou Chauvain nous entraîne sous ses paupières. Dans cet espace bien délimité se développent les rêves qui la traversent au seuil du sommeil. Les souvenirs et les aspirations s'entremêlent dans les méandres de ce labyrinthe mental dans lequel nous entraine la performeuse.

Du mode d'emploi (et des effets collatéraux) de la natation synchronisée jusqu'aux secrets enfouis dans sa famille, la jeune femme se raconte et affiche une salutaire propension à l'autodérision, de même qu'une solide faculté à rebondir. En écho à cette endurance, se distinguent des talents polymorphes qui mixent le chant, la danse et le théâtre.

Le corps, la carcasse demeurent le sujet central et l'outil prééminent de ce seule en scène à la première personne. Sous les paupières macère une prestation intime et erratique à l'image de tout vagabondage intérieur.

Sous les paupières : 15H40, Train Bleu. Jusqu'au 24 juillet.

Photographies : Antoine Vincent de Tapol.

 

 

La Sœur de Jesus-Christ

Un Magnun 357 (9mm) sommeille dans un tiroir de la maison de Maria, quelque part dans le Sud de l’Italie. Jusqu’à ce jour où la jeune femme se saisit du flingue et traverse le village avec la ferme décision de s’en servir. Sur ses pas, se greffe une impressionnante procession.

Le soleil brûlant, la robe rouge, les visages fermés, le calibre à la main..,La Sœur de Jesus-Christ est un spectacle où l’on voit les images. Au plateau, accompagné par son Ennio Morricone, alias Florence Sauveur, violoncelliste multi-instrumentiste, Félix Vannoorenberghe restitue le cortège mortifère, dont l’ampleur évolue au diapason de la garde-robe qui tapisse, peu à peu, le fond de scène.

Comme dans tout bon western, la marche se termine par un face-à-face. Mais, là encore, tout ne passe pas comme autrefois.

L’efficacité du conte, le charisme du conteur, les ponctuations inspirées de la musicienne, l’invention esthétique propre aux accessoires, participent à la réussite de cette proposition haletante, subtile et bigarrée.

La Sœur de Jésus-Christ :  16H, Théâtre des doms. Jusqu’au 26 juillet. Relâche le mercredi.

La chronique intégrale :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/smith-wesson-et-maria.htm

Photographies : LARA-HERBINIAWEB, EDA.

 

L'Homme et le pêcheur

Au bord d'un étang, sur un ponton : d'un côté un homme s'apprête à plonger, une lourde pierre autour du cou. De l'autre, un quidam taquine le poisson en toute indifférence. Le premier ne cesse de geindre, le second ne dit rien. Mais est-ce qu'on va à la pêche en complet veston ? Et peut-on espérer que ça pite lorsqu'en bout de canne, il n'y a ni ligne, ni d'hameçon.

On le devine, L'Homme et le pêcheur lorgne du côté de Ionesco, Beckett, Roland Dubillard avec un zeste de Luigi Pirandello. Rédigée à six mains : Jean-Marc Catella, Fabio Gorgolini, Ciro Cesarano, interprétée par ce dernier et Paolo Crocco, cette comédie allie insolite poétique et truculence méditerranéenne.

Le désespoir et les angoisses métaphysiques irriguent une intrigue qui, telle une poupée russe, se ramifie en une succession de coups de théâtre.

Un fable profonde et très drôle, dans l'esprit des meilleures comédies italiennes 

L'Homme et le pêcheur : 17H30, Théâtre du Petit Chien. Jusqu'au 26 juillet. Relâche le lundi.

Photographie : Philippe Hanula

 

Les leçons impertinentes par Zou

La cloche sonne, appel des élèves, distribution du matériel, ça commence comme à l’école. Et pour cause, nous sommes à l’orée d’une Leçon impertinente par Zou. Aujourd’hui l’enseignante se penche sur l’amour en mot.

Entre un tableau noir et une table sur laquelle repose un gros dico, la préceptrice amorce sa causerie par une analyse désopilante de la légende de Pocahontas (façon Disney) puis se lance dans une archéologie lexicale aussi édifiante que stimulante.

Maëlle Mays professe, interroge, sermonne, digresse, rebondit.., tout au long d’un précipité magistral qui agrège données étymologiques, ramifications philosophiques, acceptions politiques.

Le Moi, le baiser, le consentement.., chaque soir, Zou-Maëlle professe un gai-savoir, qui amuse, titille la pensée et vous abandonne avec une furieuse envie (désir? besoin ?) de mordre dans la curiosité.

A la fin de la classe, elle ramasse les copies. Elle ne note pas mais nous remercie. Vraiment, elle est chouette la maîtresse.

Les leçons impertinentes par Zou : 18H30, Théâtre des Halles-Jardin, jusqu'au 26 juillet. Relâche le mercredi.

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/sortie-scolaire.htm

 

La Révérence

Tout commence par une messe, là-haut dans un village ceinturé de montagnes Puis vient le verre de l'amitié garni de croissants au jambon. Aujourd'hui se tient le pot de départ d'Emeric pour la ville où il épanouira ses inclinations et sa passion du théâtre.

Une mère envahissante, une grand-mère nostalgique, un viticulteur vindicatif face des attitudes qui lui échappent.., sur le canevas très couru du portait d'une famille et d'une communauté. Emeric Cheseaux trace une voie singulière entre la charge satirique et une délicate mélancolie. 

Certes le jeune homme s'en va vivre sa vie mais sans renier l'endroit d'où il vient. Le sens de l'observation et de l'autodérision, allié à une capacité à fondre son physique et sa voix dans de multiples personnages, participent à la réussite de cette fin de journée sous des platanes gorgés de cigales.

La Révérence : 19H35, Le Train Bleu-Respelido. Jours impairs, jusqu'au 23 juillet.

Photographie : Gérard Philippe Mabillard.

 

Une heure à t'attendre

Un homme prend possession d'un appartement qu'il vient de louer. Or le logis est occupé par un inconnu qui connaît beaucoup de choses sur le nouveau venu. Tel est le point de départ de Une heure à t'attendre. Auteur d'une centaine de musiques de scène, Sylvain Meyniac signe un face à face au cordeau qui s'inscrit dans la lignée du Limier, classique de l'affrontement signé Anthony Schaffer (1926-2001) ou encore le théâtre de la menace cher à Harold Pinter (1930-2008).

Thierry Fremont et Nicolas Vaude, inquiétant dandy dans la lignée de l'acteur Jules Berry (1883-1951), se donnent la réplique dans une harmonie exempte de cabotinage. Durant cette heure de tension, un fantôme introduit dans les échanges, les fragments d'un discours amoureux, à l'origine d'un désarroi dense et élégant.

 Une heure à t'attendre : 19H, Théâtre du Chêne Noir. Jusqu'au 26 juillet. Relâche le mardi.

Photographies : Patrick Carpentier

 

le Voyage d'hiver 

Le Voyage d’hiver confronte une mère, un fils, une fille à la dégradation mentale du père. A la demande de l’acteur-metteur en scène Benoît Giros, Denis Lachaud effectua en amont de la rédaction, une série de rencontres-interviews auprès de soignants et accompagnants.

Cet apport documenté alimente une partition attachée à la déréliction d’un esprit et ses répercussions au sein de l'entourage. Les caractères profonds se révèlent souvent face à l’adversité. L’incompréhension teintée de panique face à l’effacement inéluctable d’un être aimé, entraine des abattements, des colères ou des attitudes anachroniques, tentatives éperdues de garder un contact, de préserver une confidence.

Accordés dans les nuances, Mikaël Chirinian, Benoît Giros, Muriel Gaudin donnent toute son envergure à l’écriture concise et délicate. 

Il faut du temps pour que l’enfant prenne conscience de la mort du géant. Le Voyage d’hiver  donne la mesure de l'aphorisme dans une rigueur pudique et une extrême délicatesse.

Le Voyage d’hiver : 20H35, jusqu'au 26 juillet, Relâche le dimanche, Artéphile Théâtre.

Chronique intégrale : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/l-effacement-du-geant.htm

 

Love, Linda. La vie de Mrs Cole Porter

Cet été, la salle John Coltrane du Théâtre du Chêne Noir redevient jazz-club, l'espace d'une évocation de Cole Porter (1891-1954). Passionnée depuis toujours par le lyrique léger, la chanson jazz, le Musical, le cabaret, Isabelle Georges adapte le livret de Stevie Holland et Gary William Friedman. Accompagnée d'un trio royal : piano, contrebasse, batterie, l'interprète retrace la passion qui unit Linda Lee Thomas et ce compositeur de huit ans son cadet. 

La vie du couple très libéré pour l'époque, s'écoule au fil d'une Dolce Vita picaresque, de Paris à Hollywood, des Ballets russes à l'Italie. L'itinéraire est, bien sur, balisé par Night and Day, My Heart Belongs to Daddy.. et bien d'autres chansons signés Porter. 

Isabelle chante, parfois en français, tantôt en V.O, aligne les pirouettes et se pique de claquettes. Love, Linda. La vie de Mrs Cole Porter distille une nostalgie classieuse et harmonieuse. Du swing et de la distinction, what else dans cette époque de brutes ?

 Love, Linda. La vie de Mrs Cole Porter : 21H, Théâtre du Chêne Noir. Jusqu'au 26 juillet. Relâche le mardi

Photographie : Renaud Corlouër

 

La Vie rêvée 

En juillet 2018, à Avignon, dans un petit théâtre du quartier des Teinturiers, An Irish Story connut ses premières représentations. Cet été Kelly Rivière livre la suite des aventures de Kelly Ruisseau. On la savait passionnée de danse. Elle est désormais comédienne. Pas vraiment en haut des affiches, Kelly enchaîne les auditions mécaniques, les Murder party en entreprise, les silhouettes-apparitions éliminées au montage.

La Vie rêvée arbore les thèmes et les atouts de An Irish Story. Kelly Rivière poursuit sa quête des origines, cette fois du côté français et salue sa Mami Nana, grand-mère paternelle qui, à défaut de ses intonations méridionales, lui a légué sa tranquille obstination.

Également prégnante : l'intelligence de la narration. L’actrice-autrice franco-irlandaise tisse une trame à la fois serrée et aérienne où s’enchevêtrent présent, passé, affabulations et réalité. Mais, par delà l’agilité dramatique, La Vie rêvée consacre un autre talent inscrit dans ses gènes anglo-saxons: le sens du spectacle.

Tempo tenu, gestuelle précise, autodérision distinguée, la mélancolie a du panache tout au long d’un tourbillon qui s’ouvre sur la mort d’un cygne (au bord d’un lac) et se clôt sur l’envol d’une Pie voleuse.

Subtil, profond, brillant : That’s entertainment !

La Vie rêvée : 20H50, 11 Théâtre. Jusqu'au 24 juillet.

Chronique complète : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/kelly-goes-on.htm

Photographies : Pauline Le Goff 

 

 

Rose Royal

Rose affiche une expérience de la vie et une méfiance certaine vis à vis de la gent masculine. D'où l'achat d'une arme calibre 38. Beaucoup de ses soirées, la quinquagénaire les passe au Royal, son quartier général où surgit un homme maculé de sang. 

La comédienne Anne charrier adapte (avec l'aide de Gabor Rassov), une longue nouvelle de Nicolas Mathieu (auteur de Nos enfants après eux).  L'emprise est au centre de cette relation amoureuse entre un homme enferré dans ses névroses et une femme qui croit encore aux belles histoires.

Romane Bohringer pose une bonbonnière à la fois kitsch et funèbre au cœur du jardin Sainte-Claire. Elle accompagne son interprète qui conte, chante, danse, au fil de cette idylle cabossée, nimbée d'une fausse torpeur provinciale.

Sobre, incarné, poignant.

Rose Royal : 21H30, Théâtre des Halles. Jusqu'au 26 juillet. Relâche le mercredi.

Photographie : Lou Sarda.

 

Dissonances Jeanne d'Arc

C'est un plateau-radio qui, sous prétexte d'une énième publication sur Jeanne d'Arc, agglutine un ancien militaire reconverti dans les Saints-Sacrements, une responsable politique pas de gauche, un universitaire confit dans ses titres et diplômes, une illustratrice lesbienne, une éveillée mystique.. , le pugilat annoncé est plus attisé que modéré par un animateur paresseux et inculte.

Dissonances Jeanne d'Arc reconstitue les débats qui se déroulent ad libitum sur la plupart des chaînes (télé et radios) infos. L'étouffement des faits par les commentaires, la recherche de l'affrontement au détriment des analyses ; au cours de ces misérables controverses, un artiste-intermittent s'avère atterré submergé par ce magma obscurantiste.

La Compagnie du Dire Dire fustige le désarroi ambiant face à la culture de l'opinion et du clivage dans un pamphlet-satire d'une époque ignare et décomplexée. 

Ca va mieux en le disant, même si la restitution reste en deçà de la réalité.

Dissonances Jeanne d'Arc : 21H45, Théâtre des Carmes. Jusqu'au 26 juillet. Relâche le mardi.

Photographies : La Vie de La Brochure

 

 

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