Florilège 24 # 1

 

Lune Jaune, la ballade de Leïla and Lee.

Un soir, à Glasgow, Leïla suit Lee pour une virée dans un cimetière. L’échappée tourne mal et les jeunes gens s’enfuient plus au Nord.  Au cœur des highlands, le couple croise un chasseur solitaire: un secours? Une menace? 

Lune Jaune ou la ballade de Leïla et Lee alterne faux semblants et ruptures de ton. A tel point que l'on en vient à s'interroger sur l'essence de ces péripéties, entre l'expérience vécue et l'aventure fantasmée.

Et si cette folle équipée n'était qu'un voyage au centre d'une tête? En l'occurrence celle de Leïla/Marion Bajot. De la maladresse fragile à l'excitation extrême, la comédienne déploie une vitalité et une malléabilité émotionnelle souvent confondantes. 

Fuite en avant chaotique ou odyssée d'un esprit chahuté, quoi qu'il en soit cette Lune Jaune se suit comme une captivante équipée au bout de la vie. Ou au bord d'un lit. 

Lune Jaune, la ballade de Leïla et Lee : jusqu'au 21 juillet -9H55- (Relâche le mercredi)

La Manufacture Saint Chamand.  https://lamanufacture.org/

La chronique intégrale c'est par ici :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/fest-hiver-23-un-soir-a-glasgow.htm

 

Moman.

Dans Moman, un enfant bombarde sa maman d’interrogations. Moins pour avoir des réponses que pour sentir une présence et assouvir sa crainte de l’abandon. Il faut dire que Popa était à ce point nerveux, qu’il est parti sans payer l’électrique. Et depuis, Fifille pousse un peu sur le Chasse cafard.

Les questions-réponses se doublent d’un spectacle familial. Noémie Pierre dirige ses parents dans une pièce de chambre, une partition syncopée, restituée par le timbre métallique de Hervé Pierre et les inflexions plus onctueuses de Clotilde Mollet (par ailleurs émérite violoniste).

Le duo distille une petite musique, lueur tenace au cœur d'une nuit d’opprobre et de dénuement. Forte de la complicité parentale, ma metteure en scène mélange les genres. Hervé campe une matriarche essorée mais placide, Clotilde est son Chipounet, à la crinière piquée à Harpo Marx (qui à la scène ou l’écran n’a jamais rien prononcé).

A la fin survient un coup de théâtre. Le temps a passé mais l’amour est toujours là. Pour le mal de mère, l’on repassera.

La Scala Provence : 10H15, jusqu’au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : https://lascala-provence.fr/

Photographies : Thomas O'Brien.

En un clic l'article intégral : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/une-affaire-de-famille2.htm

 

 

Jean Zay, l’homme complet.

Député radical socialiste dès 1932, Jean Zay fut une figure incontournable du Front Populaire. Ministre de l’Éducation Nationale, il prolongea jusqu’à 14 ans la scolarité obligatoire, instaura les activités dirigées, le sport à l’école et fonda L’Ecole Nationale d’Administration. Ministre des Beaux Arts, il institua le Centre National de la Recherche Scientifique, le Musée National des Arts et Traditions Populaires, le Musée d'Art Moderne, la Réunion des Théâtres Nationaux et le Festival de Cannes.

Homme de gauche, juif, franc maçon, Jean Zay fut poursuivi par le gouvernement de Vichy pour tentative de sédition. Il fut arrêté en juin 1940 et emprisonné durant 4 ans au centre pénitentiaire de Riom.

Jean Zay l’homme complet adapte Souvenirs et solitude, journal de captivité dans lequel l'auteur revient sur ses convictions : l’intelligence et l’esprit de curiosité propre à tout un chacun.

Xavier Béja se fond dans l’élégance tranquille et la diction cristalline de cet humaniste, soucieux du bien commun, attaché à tout jamais à la démocratie républicaine.

Jean Zay repose au Panthéon depuis 2015. Il aurait toute sa place dans n'importe quel parti (républicain), parlement ou gouvernement.

Jean Zay, l’homme complet : 11H30, Théâtre Episcène. Jusqu'au 21 juillet. Relâche le lundi. https://www.episcene.be/µ

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/souvenirs-et-solitude.htm 

 

Une rose pour Camille.

Une rose pour Camille s’ouvre sur la lecture de plusieurs notes biographiques qui amputent de 23 années, la vie de l’artiste décédée en 1943. Ces mois manquants (30 ans précisément), elle les passa, derrière les murs de l’hôpital psychiatrique de Montdevergues, à quelques kilomètres d’Avignon.

Comptes-rendus de la déréliction de la malade (sous alimentation, perte de poids) et des conditions de vie dans l’établissement (hygiène aléatoire, emprise du froid), les rapports médicaux constituent le carburant dramatique de la seconde partie de la nouvelle création du Théâtre de l’Autre Scène.

Depuis plus de trente ans, cette compagnie développe ses activités au sein du CHS de Montfavet (ex Montdevergues). Fédérant professionnels et amateurs, résidents et soignants, L’Autre scène participe, en juillet, au Off Avignon.

Emmenés par Carole Guidotti, Camille entreprenante et frémissante, cinq interprètes activent ce récit de vie, qui traverse la première moitié du XXème siècle, dévasté par deux guerres mondiales. A la fois fresque historique et tragédie intime, Une rose pour Camille allie l’ambition, la rigueur et l’invention, dans un travail qui dépasse largement le stade de l'activité-thérapie.

Une rose pour Camille : 13H45, du 3 au 21 juillet, Fabrik Théâtre. Relâche les 4, 6, 8, 9, 11, 13, 15, 16, 18 juillet

Réservations : http://fabriktheatre.fr/

L'article intégral c'est par là : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/camille-claudel-morte-en-1920.htm

 

Après les ruines.

Il est question de migrations. Un homme requiert l'accueil sur un territoire  Frappés d'un sceau documentaire, les échanges kafkaïens brouillent les recensions habituelles des transhumances.

Car ici, le requérant est blanc francophone et son interlocutrice germanophone. Le contexte européen transfère la proposition vers un futur proche où les accords de Schengen seraient passés par pertes et profits.

L'approche singulière se développe dans une pluridisciplinarité dont l'opulence déroute parfois. Les wagons se raccrochent lors du dernier tiers. En ces instants, s'élabore un dispositif qui ravira les nostalgiques des circuits Jouef .

Mais la nostalgie n'a qu'un temps. Les ombres expressionnistes générées par ce convoi miniature, renvoient à des fourgons plombés de sinistre mémoire et, dans le même mouvement, projette une vision peu avenante des temps à venir. 

Les artistes multicartes de Pardes Rimonim pratiquent un jeu de construction qui nimbe les temps qui courent d'une lueur troublante.

Après les ruines : 13H55, jusqu'au 21 juillet. 11 Théâtre. Relâche le lundi. 

Réservations : https://www.11avignon.com/ 

Photographie : Jean-Noël Pierre.

 

 

Le papier peint jaune

Sur le sol un matelas : nous sommes dans une chambre. Une femme écrit. Mais ça la fatigue. Elle pose alors sa plume et fixe le mur recouvert de papier peint.

De l’extérieur sourdent les bruits de la maisonnée. A l’intérieur se ressasse un journal intime. Au fil de la confession s’insinue une endémique mélancolie. Mais John est là, auprès de son épouse à qui il prodigue des soins d’une évasive prévenance.

Sonorités tourbillonnantes, mirages organiques, Lætitia Poulalion et Mathilde Levesque accolent une dimension sensorielle à l’anatomie mentale. L’intensité plastique convoque le cinéma.

les pyramides viscérales édifiées dans les bandes de David Cronenberg enveloppent l’élévation finale de la rédactrice, à laquelle Lætitia Poulalion confère une parole méthodique, une diction cristalline, qui amplifient encore les failles profondes du caractère.

Comme son titre peut le suggérer Le Papier peint jaune s'affirme comme un sommet du théâtre de l’âme, sublimé ici, par une éclatante inspiration picturale.

Théâtre Transversal, 14H30, jusqu'au 21 juillet. Relâche le mardi.

Réservations :  https://theatretransversal.com/?page_id=2382

La Critique entière vous attend là : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/la-dame-et-la-tapisserie.htm

Photographies: Luca Iomazzi.

 

Au nom du rêve.

A l'ouverture, deux danseurs rejoignent une machiniste, Le duo se soumet aux injonctions numérisées qui alourdissent les corps, empèsent les mouvements. A l'inertie se greffent des obstacles, des claustrations.

La fuite, l'évitement, l'enfermement enserrent Au nom du rêve

Eric Oberdorff dispose les figures hip-hops et les spirales propres aux derviches tourneurs, à l'épreuve d'un accablement venu d'en haut.  Pourtant, au comble de l'affaissement s'insinue un apaisement. Les sonorités programmées s'estompent sous les harmonies plus suaves du oud (travaillé par la même instrumentiste).

Au nom du rêve appelle l'exaltation, la communion vers de nouvelles utopies. L'on se laisse porter par ce rite de résilience et ses espoirs désenchantés. Car vers la fin, le oud, à son tour, commence à s'énerver.

Théâtre Golovine : 14H, jusqu'au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : https://www.theatre-golovine.com/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Chœur des femmes.

Violaine Brébion porte à la scène Le Chœur des femmesroman de Martin Winckler, ancré dans le quotidien du pôle Mère-Enfant du CHU Nord de Tourmens.

La chronique s’amorce à l’arrivée de Jean (prononcer djiine, c’est une dame) Atwood. L’impétrante entame la validation ultime de son parcours d’internat.

Elle lie connaissance avec le docteur Franz Karma, le chef de service qu’elle surplombe, insensible au mandarinat.

Car plus que tout, Jean veut découper, réduire, réparer, greffer, recoudre, cautériser.. . Elle sera la Jeanne d’Arc du scalpel. L’impératif de la guérison élude le tempo des soins, sans s’attarder sur la conversation, l’écoute, la compréhension.

Au plateau : deux actrices (Clotilde Daniault, Violaine Brébion), un acteur (Xavier Clion) manipulent des plaques rectangulaires, tantôt bureau, comptoir de cantine ou table d’opération, sur lesquelles, sur le dos ou en chien de fusil se posent des corps féminins. Car quelques soient les actions, c’est toujours sur ou dans le corps des femmes que les sévices s’abattent, les examens s’effectuent, l’intervention se produit.

Minutieuse, tonique, contrastée, cette éloge d’un service public de la santé, essoré mais efficace, empathique à tout jamais, est célébré par un collectif au talent complice.

 A suivre et à méditer.

Artéphile Théâtre : 14H, jusqu’au 21 juillet, Relâche le mardi.

Réservations : https://artephile.com/theatre-artephile-avignon-off-24/le-choeur-des-femmes-3/

Photographies : Anthony Magnier.

La critique non charcutée : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/en-ch-ur-et-en-corps.htm

 

Pouvoir.

La représentation est interrompue par son principal protagoniste : un pantin, vague clone du Golum du Seigneur des anneaux. Celui-ci en a assez de rabâcher la même aventure, de vivre ad libitum les mêmes situations. Ses doléances sont transmises au trio de manipulateurs, des petites mains peu enclines à bouleverser une production qui roule.

S’engagent alors des négociations. Car la figurine et ses opérateurs demeurent à tout jamais consubstantiels. Les contributions sont l’objet de scrutins, certes collégiaux mais peu propices à la sortie d’impasse. Certain décide alors de s’en remettre au suffrage universel et s’adresser directement au peuple des spectateurs.

Les aléas s’égrènent en une enfilade de tableaux, où Candide percute La Soupe aux Canards ; les fables philosophiques chères à Voltaire s’enchevêtrent avec l’anarchie loufoque ourdie par les Marx Brothers.

L’on s’amuse beaucoup et l’on réfléchit sans cesse tout au long de cette fantaisie machiavélique, dans laquelle, ô paradoxe, une marionnette, un pantin, catalyse les attentions et rassemble tous les suffrages. Où lorsque l’illusion comique se frotte à la comédie du pouvoir.

Magistral, clairvoyant, désopilant par dessus tout.

Théâtre des Doms : 15H30, jusqu’au 21 juillet. Relâche le mercredi.

Réservations : https://www.lesdoms.eu/

Photographies : Céline Chariot.

Texte intégral : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/changer-l-histoire.htm

 

Moi, Kadhafi

Un acteur d'origine antillaise accepte le rôle Moammar Kadhafi.

Au fil des répétitions, l'interprète s'absorbe dans ce militaire de 27 ans, proclamé chef de l'état libyen puis figure de prou du panarabisme.

De Sarcelles à Tripoli, de Dakar à Port au Prince, une symbiose se dessine entre le français des colonies et ce leader qui affranchit son peuple et son pays avant de sombrer dans les excès autocratiques.

Le texte de Véronique Kanor combine la chronologie de l'Histoire et les tiraillements de l'acteur. Derrière Serge Abatucci, massif et habité, le visage de Kadhafi rode, hante, surplombe, un conquérant boursouflé enfin tuméfié.

Décidément le pouvoir autocratique est la source de passionnantes ambivalences.

Chapelle du Verbe incarné, 16H45, jusqu'au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : https://www.verbeincarne.fr/

 

De la paille dans ma tête.

Au plateau, port élégant, accent chantant, un Sacha Guitry de la Castellane patiente dans un antichambre, nichée sous une avenante véranda. Une fois survolées les revues défraîchies, le patient, qui va mieux, qui va mieux, qui va de mieux en mieux, s’épanche sur tout, sur lui, sur rien.

La servitude vocale de S.O.S Détresse, un charisme irrésistible mais hélas mal compris, des deuils irréparables, la nature soigneusement dégradée.., à l’intérieur de son bocal, le bonhomme zigzague du coq à l’âme.

Anecdotes, formules, traits d’esprits et calembours.., ça pique, ça fuse, ça gesticule, ça étourdit.

Derrière les lazzis, les harangues et les facéties, s’infiltre insidieusement une panique empanachée, face à l’érosion de la vieillesse et son inévitable échéance. Nimbé par les lumières tchékhoviennes distillées par Eric Valentin, flanqué de la fidèle Miss le Minoux et la délicieuse Gina, Christian Mazzuchini flâne à nouveau entre les failles, drapé dans un élégant vague à l’âme.

Via la prose de Jean-Louis Fournier, ce quidam plein de Paille dans sa tête, prodigue sa mélancolie dans une réjouissante distinction.

 Théâtre du Balcon : 16H45, jusqu'au 21 juillet. Relâche le jeudi.

Réservations : https://www.theatredubalcon.org/festival/

 

 

Giono Paysages visages.

Paul Fructus, sur un banc comme unique radeau, cingle à travers l’écriture tumultueuse du chantre de la Haute-Provence.

Pour son assemblage, l’acteur puise dans Un de Baumugne, Le Prélude de Pan et Le Chant du monde. Giono-Paysages, visages, le titre traduit à bon escient, le style d’un l’écrivain, qui place l’humanité en osmose avec une nature à la fois âpre et majestueuse.

Trapu, dans sa lourde veste en velours, tel un habitant des plateaux de Lure ou de Crémone, Paul Fructus clame Giono, à la virgule près. L’acteur donne corps à une société d’êtres vivants, une communauté abrupte et ardente, en réel décalage avec l’image éthérée et glorifiée qui schématise souvent le mythe, très en cour, du retour à la nature.

Au terme de l’expédition, résonnent les harmonies de Jean Sébastien Bach. Un choral après la bacchanale, Que ma joie demeure, la boucle est bouclée.

Giono Paysages visages : 17H,  jusqu'au 21 juillet, Théâtre Isle 80. Relâche le mardi.

Réservations : https://isle80.wordpress.com/programmation-off-2022/

Intégralité de la chronique :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/une-societe-d-etres-vivants.htm

 

Faire Commune

Ainsi dans Faire Commune, Malakoff devient l'œil du cyclone de la culture ouvrière.

Leonor Stirman, Grance Guierre et leurs comparses de La Compagnie réveillent les mémoires de Arthur Pieron, Augustine Variot, Luce Gerber.., citoyennes et citoyens de la commune sise au Sud de Paris.

De la Commune sauvagement réprimée en 1871, jusqu'à la grève des mineurs de 1963, en passant par le Conseil National de la Résistance, se déroule un cabaret historique. Les notules didactiques se combinent aux images et un florilège de chansons populaires, révélatrices des humeurs du moment.

En guise chœur antique, les analyses de consultants qui pérorent sur des idées, des actions et un milieu qui leurs sont étrangers, instillent une patine caustique à la proposition. Celle-ci est vive et documentée, engagée avec panache.

Alors que s'amoncellent des nuages brunâtres, Faire Commune exalte les combats collectifs dans une subtilité et un entrain hautement salutaires.

Théâtre de la Bourse du travail : 18H, jusqu'au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : 06 08 88 56 00.

Photographie : Jean-Claude Chaunac.

 

Nouons-nous.

Alexia Vidal comédienne-metteure en scène retrouve Célyne Baudino musicienne-compositrice. Le duo persiste dans la polyphonie. Nouons nous est une adaptation parlée, chantée, susurrée.., du roman homonyme d'Emmanuelle Pagano/Salasc. Féminin, masculin.., intérêt, désir, plénitude, manque.., la proposition établit un panorama des états amoureux. 

Comme le titre le suggère, Nouons nous compose une bulle d’intimité organique et élégante, au sein de laquelle les timbres des deux interprètes s’entrelacent dans une harmonieuse espièglerie.

Entre la madeleine de Proust et l'inventaire à la Perec.

Théâtre Isle 80 : 18H20, jusqu' au 21 juillet, Relâche le mardi.

Réservations : https://isle80.wordpress.com/

L'intégralité de la chronique c'est par ici ;  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/entre-l-inventaire-et-la-madeleine.htm

Photographies: Yoan Loudet.

 

An Irish Story

D’un jardin lyonnais dans les années 2000, à une demeure irlandaise au cœur des années 30, Kelly Ruisseau remonte le cours de sa dynastie. Une disparition, une énigme tenace, extirpent quelques secrets bien gardés. La jeune femme secoue la poussière sous le tapis, miasmes de religiosité et autres instincts grégaires.

Kelly Rivière (sic) signe et anime An Irish Story.

Seule en scène, la traductrice de profession, polyglotte accomplie, virtuose des accents, virevolte parmi la vingtaine de protagonistes d'une saga familiale, entre enquête de détective, étude historique et comédie de caractères.

An Irish Story fut créée à Avignon, en juin 2018 sur le plateau de l’Artéphile Théâtre.

Ecoulés cinq années, un confinement, une poignée de récompenses, dont le Talent Humour décerné par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques et plus d’une centaine de représentations, Miss Ruisseau prolonge son impérissable Irish Story, de retour, six ans après, dans la ville de leur naissance.

L'occasion de savourer l'acuité, le panache et la fantaisie d’une conteuse gracile et cristalline.

An Irish Story : 18H20, du 29 juin au 10 juillet, Scala Provence. Relâche le lundi.

Réservations: https://lascala-provence.fr/programmation/an-irish-story/

 

La Disparition de Josef Mengele

Sur le plateau : un intérieur, le mobilier limité à l’essentiel mais les murs tapissés de photographies, de cartes, d’extraits de presse.. . Espace intime, la pièce à vivre figure la sphère mentale de l’homme qui s’y introduit. Celui-ci entreprend d’étudier l’échappée de Josef Mengele, dit le Médecin d’Auschwitz.

A la chute de nazisme, celui-ci passe entre les larges mailles du filet tendu par une nation allemande où l’amnésie générale est la condition sine qua non du retour à la cohésion nationale. En 1949, muni de faux papiers, le fuyard s’installe en Argentine. 

Dans une vigueur documentée, le narrateur restitue la fuite, la fortune puis, à partir des années 70, la traque de Mengele, lorsqu’en Europe une génération nouvelle décide de soulever la chape mémorielle.

A la fois polar et récit d’aventure, le compte rendu s’expose, minutieux et haletant.  Comme il est précisé à la conclusion : L’homme est une créature malléable. Il faut se méfier de l’homme.

Inspiré du récit d’Olivier Guez (Prix Renaudot 2017), adapté et interprété avec détermination mais sans affectation par Mikael Chirinian, La Disparition de Josef Mengele s’avère une proposition âpre, concise et plus que jamais salutaire.

Théâtre du Chêne noir : 18H, jusqu’au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : https://www.chenenoir.fr/event/la-disparition-de-josef-mengele/

C'est par ici la critique complète : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/chasse-a-l-ombre.htm

Photographies : Jean-Philippe Larribe.

 

Parler pointu

Méridional de naissance, Benjamin Tholozan s’exila à Paris pour étudier le théâtre où il fut prié de fermer ses « o » et de déplacer ses accents toniques. A tel point que, de retour au pays, le désormais acteur constata que ses proches ne l’entendaient plus. De là naquit Parler pointu.

Sous le regard de Hélène François, accompagné des riffs bidouillés par Brice Orman, le bonhomme se lance dans une confession, doublée d’un manifeste savant, qui s’ouvre sur un pastaga, se poursuit par une gardianne de taureau et se clôt au son d'un hymne à langue (et culture) occitane.

Selon l’étymologie : Province signifie terre des vaincus. Et le langage officiel reste toujours le verbe des vainqueurs. Fort de cette constatation, Benjamin Tholozan conduit un exposé au fil duquel Cathares voisinent avec catharsis et argumente une réflexion, moins sur le pouvoir des mots que sur la langue du pouvoir.

Frappé du sceau du chant lyrique, de la corrida et d’Almodovar, Parler-pointu extirpe les racines, célèbre la connaissance et, par dessus tout, professe l’exercice d’un gai savoir.

Parler pointu : 19H15, du 4 au 21 juillet, La Manufacture-Ecoles. Relâche le mercredi.

Réservations : https://lamanufacture.org/

Photographies : Marie Charbonnier.

Interview de Benjamin Tholozan : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/la-langue-du-pouvoir.htm

 

 

L'Homme qui dort

Tu n’as plus envie de poursuivre.

Publié en 1967, Un homme qui dort est un texte rédigé à la seconde personne du singulier, au fil duquel un homme s’éveille un matin et décide ne pas se lever, d’évacuer les pleins et ne garder que les déliés.

Véronique Boutonnet reprend l’adaptation du roman de Georges Perec (1936-1982), réalisé en 1974 par le réalisateur Bernard Queysanne.

A commencer par la voix féminine qui décline l'effacement au monde. Silhouette, spectre.., l’adaptatrice incarne à la scène ce regard extérieur, entomologiste rigoureuse d’une entrée dans la vie végétale.

Richard Arselin dote d’un port atone, cet étudiant ballotté, semble-t-il depuis des lustres, dans le stand-by.

La litanie s’illustre dans une chorégraphie picturale qui renvoie parfois aux visions mentales de David Cronenberg, notamment Spider (2002) et son protagoniste, submergé de réminiscences intérieures.

Rarement transféré au théâtre, cet Homme qui dort constitue une ouverture loyale au génie multiforme et inépuisable de l’auteur de La Vie mode d’emploi.

Théâtre Transversal : 19H45, du 29/06 au 21/07. Relâche le mardi.

Réservations :  https://theatretransversal.com/

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2024/festival-d-avignon-2024-off/hors-de-lui-meme.htm

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