Off Florilège # 1

 

Je n'ai pas lu Foucault

Céline Caussimon anime des ateliers d'écritures dans des établissements pénitenciers. Face à un auditoire en quête de RPS (Réduction de Peines Supplémentaire), la chanteuse-comédienne professe la flânerie parmi les pigments de Van Gogh, le spleen ouaté d'Edward Hopper, ou les gestes jetés de Jean-Michel Basquiat.

Au sein d'un microcosme où le stylo peut devenir une arme, elle attise le regard face à des images pas vues à la télé.

Sous-titré Chef-d'oeuvres en prison, Je n'ai pas lu Foucault alterne notations documentaires sur le quotidien des détenus, pointe certaines scléroses de l'administration et scrute les réactions au contact de la Beauté. Au seuil d'un monde nouveau, chacun trouve ses mots pour dire ses émotions. Et, souvent, la prof n'en reste pas intacte

Les Cœurs purs chantait Jean-Roger Caussimon (1918-1985). Céline, sa fille, anime une chronique des êtres cabossés, qu'elle déroule dans une méticuleuse distinction. 

La Factory-Espace Roseau, 10H, jusqu'au 26 juillet. Relâche le mardi.

 

 

Chevaleresses

Nolwenn Le Doth signe, dirige et interprète Chevaleresses, premier texte ancré dans son enfance bretonne. Le récit de vie déroule un fil sur lequel se greffe un périple intérieur, puis les lenteurs et chausse-trapes de la procédure judiciaire.

Aux antipodes de l'imprécation doloriste, bousculée par un génie valeureux et un gnome accablant ; ponctuée d’extraits télévisés, de tubes de hit-parade, d’inserts téléphoniques.., la partition à la première personne fédère un travail d’équipe. 

L'autrice-metteure en scène nomme les choses, fédère les talents et cimente les amitiés, tel Arteteca. L’ensemble vocal féminin devient chœur antique qui, par les voix et les corps, cadence ce témoignage polyphonique entre le factuel du documentaire et l’ode à l’imaginaire.

Chevaleresses : une digue de protection, un moteur de vie, un vecteur de consolation.

10H, jusqu'au 26 juillet, Théâtre des Carmes Avignon. Relâche le mardi.

Les représentations seront accompagnées par une formation vocale réduite. Mais le 14 juillet, dans le cadre de la Journée contre les violences sexistes et sexuelles, le chœur Arteteca au complet, participera à la représentation de Chevaleresses.

Photographies : Cyrielle Voguet

 Article et interview sur : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/running-up-that-hill.htm

 

Le Dernier jour de Pierre

C’est l’histoire d’un chemineau au cœur d’un paysage, ouvragé de rocailles patinées par la lumière, abrasé par le vent. En chemin, Pierre pose sa solitude dans un village, comme il s'en trouve dans les crèches ou les romans de Giono.

Tel est le point de départ du Dernier jour de Pierre, nouvelle création de la Compagnie Deraïdenz. Imaginée, écrite par Baptiste Zsilina, construite et animée par ce collectif dédié au théâtre marionnettique, la proposition réunit quelques 30 figurines, au fil d’une histoire en 10 tableaux.

Le récit se déploie au sein d’un castelet monumental, dans lequel évoluent des poupées à fil long. Le dernier jour de Pierre synthétise la démarche de ces jeunes artistes multifonction, qui allient invention esthétique, défi technique et rigueur d’exécution.

Au delà des exigences formelles, cette fable sur le réel et le désirable, reste au diapason de l’esprit Deraïdenz, attaché à l’expression de l’imaginaire, de la fantaisie, avec ça et là, des brèches intempestives où le quotidien côtoie le bizarre, l'ordinaire suscite l'extravagance, la fantasmagorie fracture l'empathie .

Le Dernier jour de Pierre : jusqu'au 19 juillet, 10h20 (relâche les 6 et 13 juillet), Pole Culturel Jean Ferrat Sauveterre, dans la programmation hors les murs du Théâtre du Train Bleu.

Le projet Train bleu / Off 2025 : plus de détails c'est par ici :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/le-cout-de-la-fete.htm

Photographies : Serge Gutwirth

 

Babïl

Tohu et Bohu racontent la construction difficulteuse de la Tour de Belba.

Si l'édifice a du mal à monter, l'histoire peine à se raconter. Si l'on veut que la parole porte, l'écoute reste nécessaire.

Pour son premier Jeune Public, Agnès Regolo garde son tonus et son sourire dans l'adaptation du conte de Sarah Carré qu'elle transforme en comédie-ballet.  Ainsi, le chant baroque croise le music-hall et les vampires, les films de kung-fu.

L'incitation à l'écoute, à l'échange, au dialogue, adopte les éclats d'une bulle de bonne humeur.

Quelle meilleure manière d'attaquer la journée ? 

Babïl : jusqu'au 26 juillet, 10H30, La Scierie. Relâche le mardi.

Photographies : Fred Saurel.

 

Une Opérette à Ravensbruck

Arrêtée en 1942 par la Gestapo, l'ethnologue Germaine Tillon fut internée, de 1943 à 1945, dans le camp de Ravensbrük. Sur place elle devint Verfügbar, affectée aux tâches les plus pénibles des stalags.

En 1944 elle rédige le livret d’un spectacle musical. Dans Le Verfügbar aux enfers. Ici les abominations se chantonnent. Dans des situations effroyables, désespérées, la distance humoristique proclame l’intelligence, affirme l’élégance, contribue à la survie. Rire pour ne pas mourir.

C’est une opérette, une vraie, interprétée par un quintet de chorus girls qui poussent de la glotte et lèvent haut la jambe. Les tempi sont allègres, les mélodies fredonnantes et les paroles terrifiantes. C’est Une Opérette à Ravensbrück.

Une opérette à Ravensbruck : 10H15, Théâtre 3S-10 Avenue (avenue de la trillade). Relâche le lundi

L'intégralité de l'article c'est par ici : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/french-cancan-aux-enfers.htm

Photographie : Xavier Cantat.

 

Pôvre vieille démocrasseuse

Disparu en 2005, l’acteur québécois Marc Favreau était plus connu sous le galure de Sol.

Sol n’avait pas du vocabulaire, il avait son vocabulaire. Ainsi chez lui, les femmes était belles et évanaissantes ; autrefois les épagneuls débarquèrent dans un nouveau pays qu’il appelèrent la chimérique… .

En 2014, Marie Thomas se glissa une première fois dans Sol, ses mots et son bada. Comment va le monde, se joue depuis à guichets fermés.

Pour évoquer la Pôvre vieille démocrasseuse, le vagabond à rien, revient avec d’autres considérations. Il est question du premier venu qui vivait tout seul et, forcément n’était pas heureux, de ces indigents qui échouent au pied d’hostiles murailles, de la santé lors d’une visite chez un praticien à l’amphétamine réjouie

Marie Thomas se cache, se drape, s’amuse avec un rideau, La brindille devient luciole qui, de phrases en phrases, éclaire le monde de Sol-Favreau, sa langue bidouillée, sa mélancolie pétillante et son invention échevelée.

Pôvre vieille démocrasseuse : 11H35, jusqu'au 21 juillet, La Factory Collège Vernet.

Article intégral : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/retour-d-un-trio-gagnant.htm

Photographies : Olivier Padre.

 

Habemus Naufragium

On serait sur une plage. Juste après un naufrage ou une tempête. Un corps, puis deux, reviennent à la conscience.

La chorégraphe Silvia Pezzarossi, s'enchevêtre avec Anna-Maria Bayon. L'on songe à un crabe chimérique qui progresse de guingois. L'on pense encore à un ectoplasme, résultat de sulfureuses mutations. 

Habemus Naufragium relate d'extravagantes métamorphoses, où l'effondrement des écosystèmes produit de nouvelles vies, génère d'inédites relations. Car, plus tard ou ici, maintenant, il n'est jamais facile d'avancer dans la même direction.

Silvia Pezzarossi et sa partenaire allient la fantaisie plastique et la métaphore visionnaire dans un étonnant moment de poésie corporelle. 

Habemus Naufragium : 12H15, jusqu'au 20 juillet. Centre de développement chorégraphique National d'Avignon. Relâche le 15 juillet.

Photographies :  Vincent Van Utterbeeck

 

Faire Commune

Ainsi dans Faire Commune, Malakoff devient l'œil du cyclone de la culture ouvrière.

Leonor Stirman, Grance Guierre et leurs comparses de La Compagnie réveillent les mémoires de Arthur Pieron, Augustine Variot, Luce Gerber.., citoyennes et citoyens de la commune sise au Sud de Paris.

De la Commune sauvagement réprimée en 1871, jusqu'à la grève des mineurs de 1963, en passant par le Conseil National de la Résistance, se déroule un cabaret historique. Les notules didactiques se combinent aux images et un florilège de chansons populaires, révélatrices des humeurs du moment.

En guise chœur antique, les analyses de consultants qui pérorent sur des idées, des actions et un milieu qui leurs sont étrangers, instillent une patine caustique à la proposition. Celle-ci est vive et documentée, engagée avec panache.

Alors que s'amoncellent des nuages brunâtres,  exalte les combats collectifs dans une subtilité et un entrain hautement salutaires.

Faire Commune :  13H, Théâtre de l'arrache cœur 18H, jusqu'au 26 juillet. Relâche le mercredi.

Photographie : Jean-Claude Chaunac. 

 

Annette

Elle s’appelle Annette. Enfant, elle aimait regarder des films où ça chantait. Désormais septuagénaire, Annette s’est confiée à Camille Colpin. Au terme de ces entretiens, la metteure en scène l’a conviée à conter et chalouper sa vie. Donc, au plateau, Annette s’épanche, entourée de quatre partenaires, chapeautée par une souffleuse.

Ma vie, mon corps, ainsi pourrait se sous-titrer l’histoire d’Annette. Des primes toilettes (de bas en haut ou de haut en bas ?), au spleen de la ménopause, en passant par une kyrielle de premières fois, il apparaît, qu’en matière d’émois, de procréations, de tensions.. , la carcasse des femmes est toujours mise  à contribution.

Pourtant, fi des plaintes et du dolorisme, la dame a du caractère. Annette se raconte dans son chez soi, un espace intérieur traversé par une poignée de fantômes. Un quatuor à parité incarne ces figures du passé avec lesquelles la dame partage un dialogue ou quelques esquisses guinchées.

Par ses options formelles et la personnalité hors-normes de son sujet, la proposition relève du documentaire chorégraphié sur une émancipation féminine au fil des trente glorieuses.  L’objet théâtral est singulier et passionnant .

Annette : 13H,  Théâtre des Doms. Jusqu'au 25 juillet, relâche le samedi et le mercredi.

Article intégral : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/che-sera-sera.htm

Photographies : Laurent Poma. 

 

Le Chœur des femmes.

Violaine Brébion porte à la scène Le Chœur des femmesroman de Martin Winckler, ancré dans le quotidien du pôle Mère-Enfant du CHU Nord de Tourmens.

La chronique s’amorce à l’arrivée de Jean (prononcer djiine, c’est une dame) Atwood. L’impétrante entame la validation ultime de son parcours d’internat.

Elle lie connaissance avec le docteur Franz Karma, le chef de service qu’elle surplombe, insensible au mandarinat.

Au plateau : deux actrices (Clotilde Daniault, Violaine Brébion), un acteur (Xavier Clion) manipulent des plaques rectangulaires, tantôt bureau, comptoir de cantine ou table d’opération, sur lesquelles, sur le dos ou en chien de fusil se posent des corps féminins. Car quelques soient les actions, c’est toujours sur ou dans le corps des femmes que les sévices s’abattent, les examens s’effectuent, l’intervention se produit.

Minutieuse, tonique, contrastée, cette éloge d’un service public de la santé, essoré mais efficace, empathique à tout jamais, est célébré par un collectif au talent complice.

 A suivre et à méditer.

Artéphile Théâtre : 14H05, jusqu’au 26 juillet, Relâche le dimanche.

Chronique intégrale sur : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/en-ch-ur-et-en-corps.htm

Photographies : Anthony Magnier.

 

Autour de Marzia

Tout commence par une chaussette sale, dénichée par Marzia sous la baignoire de la salle de bain. À l’intérieur s’y découvre un bracelet gravé à son nom. Pas de doute, le bijoux lui est destiné. Mais quel drôle d’endroit pour dissimuler un cadeau.

Ainsi, Marzia cache sa découverte à ses parent, à sa nonna et entame une enquête sur le pourquoi du comment. 

Accompagnée par Fabrizio Cenci, à la fois musicien et machiniste, Marie Salemi interprète sa partition qui emprunte au polar et à L’Île au trésor.

Le secret encombre, nous confie la détective. Sur le plateau Marie-Marzia virevolte entre des panneaux sur lesquels s’enchaînent des projections : décors ou images mentales.

Dans la maison Marzia la mort n’existe pas. Alors à quoi bon la cacher ? Autour de Marzia est un moment tonique et profond qui pose plein de bonnes questions.

Autour de Marzia : 14h10, Le Totem Art Enfance jeunesse. Jusqu’au 23 juillet. Relâche le dimanche.

Article complet :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/le-mystere-de-la-chaussette.htm

Photographies : Pierre Morales

 

 

 

Comment traverser les sombres temps.

Le nouveau seule en scène de Audrey Vernon emprunte son titre à un recueil d’écrits publié par Hannah Arendt (1906-1975), philosophe-journaliste, spécialisée dans l’étude des totalitarismes. L’appellation cite, par ailleurs À ceux qui viendront après nous, poème de l’écrivain-dramaturge Bertolt Brecht (1898-1956) qui dépeint ainsi une époque où il n’y avait qu’injustice et pas de révolte

Force est de constater que l’analogie est troublante entre le texte rédigé dans l’Allemagne des années 30 et l’Europe, le Monde des ans 2020. Le malaise n'épargne pas Audrey Vernon. Comment traverser les sombres temps effectue l’anatomie de cette sidération. 

Le spectacle à la première personne évite les scories nombrilistes propres à l’autofiction. Car l’auteure-interprète garde une distance vis-à-vis de ses doutes et états d’âmes. Par delà ce spleen dont elle n’a aucune exclusivité, il y a cette voix, cristalline, posée (y compris dans les parties chantées), cette fausse désinvolture, cet air de ne pas y toucher, qui confirment que, sans aller jusqu’au désespoir, l’humour (le vrai à ne pas confondre avec les ricanements médiatisés) demeure la politesse des temps inquiets.

Comment traverser les sombres temps : 15H10, Théâtre du Balcon. Jusqu’au 26 juillet. Relâche le jeudi

Chronique intégrale :  https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/audrey-t-es-pas-toute-seule.htm 

Photographies : Laura Gilli, Hamza Djenat

 

Le Procès d’une vie

Sous-titré Gisèle, Marie-Claire, Michèle… et les autres, Le Procès d’une vie s’immerge dans la genèse du Procès de Bobigny. À l’automne 1972, l’avouée,  transfuge de classe, ayant eu elle-même recours aux faiseuse d'anges, assura la défense de Marie-Claire Chevalier (17 ans) et quatre femmes, accusées d’avortement et de complicité d’avortement.

Sur scène : sept interprètes pour quatre fois plus de personnages. Rythmée comme un film, fragmentée comme une série-télé, la narration combine les lieux et les temporalités : de la bibliothèque de la RATP au palais de justice, en passant par La Tunisie et La Goulette natale de la future plaideuse.

Ancré dans le siècle dernier, le récit aborde le consentement, la vénalité, les dénis et autres préjugés liés aux déterminismes de genre.., autant de notions toujours au faîte de l'actualité. Fondus au noir, changements à vue.., chacune et chacun participent à la scénographie  scrupuleuse et artisanale de ce tourbillon polyphonique. Décidément cette apologie du groupe s'avère un exemplaire travail de troupe.

Le Procès d’une vie : 16H30, du 7 au 26 juillet, Théâtre des Gémeaux. Relâche le mercredi.

Chronique intégrale : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/l-epopee-d-un-progres.htm

Photographies : Simon Gosselin.

 

 

L’Art d’avoir toujours raison

À l’entrée, nous sommes accueillis par deux membres du GIRAFE : Groupe Interdisciplinaire de Recherches pour l’Accession aux Fonctions Électorales.

Auprès d’une assistance qu’ils estiment composée d’élus ou de futurs candidats, la doctorante (Adeline Benamara) et l’agrégé de géographie (Sébastien Valignat, co-auteur du texte avec Loga De Carvalho), développent une méthode simple, rapide et infaillible pour remporter un scrutin électoral.

L’Histoire en témoigne : réussir un coup d’état en France, c’est pas facile.

Rester flou, être intransitif. Éviter d’expliquer par des compléments d’objets. Positiver par l’euphémisme, cultiver le sophisme et ses contours imprécis. Trianguler.

Quand tout le monde vous ment en permanence..., plus personne ne croit plus en rien. L'observation livrée par Hannah Arendt (1906-1975), chapeaute L’Art d’avoir toujours raison. Documentée, argumentée, la conférence organise une minutieuse opération de décryptage. Cependant, si les démonstrations sont savantes, le pamphlet sémantique se déploie au prisme de l’ironie. 

L’Art d’avoir toujours raison : 17h35, 11-Théâtre. Jusqu’au 25 juillet. Relâche le vendredi.

Chronique untégrale : https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2025/festival-d-avignon-2025-off/peigner-la-girafe.htm

Photographies : Louise Ajuste.

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