Les préférés du préposé

Actualité du 22/12/2021

DRIVE MY CAR  Ryusuke Hamagushi

Ryusuke Hamagushi fusionne plusieurs nouvelles de l'écrivain Aruki Murakami. Outre la Saab écarlate, Drive my car est traversé par des êtres en quête de vérité : de l’acteur en recherche de son personnage au veuf confronté à des secrets perdus à tout jamais. Tout cela paraît très éclaté et pourtant tout se tient, relié par une ligne claire. De l’interprétation à la mise en scène, jusqu’à la lumière et la direction artistique, Drive my car chemine de l’affliction à la résilience dans la douceur et l’attention, la profondeur et la discrétion.

Au début on est perdu mais intrigué. A la fin on est conquis et transporté…., dans une Saab 900 rouge bien entendu.

Article complet par ici :https://www.michel-flandrin.fr/cinema/conduite-avec-chauffeur.htm

LA FIEVRE DE PETROV  Kyrill Serebrennikov

Dans La fièvre de Petrov, tout est un cran au dessus : la longueur du film (2H26), la durée des plans (certains frisent les 20 minutes), la nature des situations, entre hallucinations et folie collective. Le voyage débute en hiver, dans un bus. Petrov somnole, toussote. Il a la grippe. Petrov a de la fièvre. Le véhicule stoppe soudainement, un passager qui vient de lâcher un propos raciste est extirpé sur le trottoir, il est fusillé aux côtés de femmes et d’hommes en tailleur-complet veston, l’uniforme des technocrates.

Kyrill Serebrennikov organise une équipée au cœur d’un état fiévreux. Le corps est alourdit mais l’esprit  bondissant. En perpétuelle  surchauffe, névroses, fantasmes, souvenirs se contaminent et brouillent la conscience.

A n’en point douter La fièvre de Petrov constitue un sommet du cinéma fantasmatique. Et du Cinéma tout court.

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/fievres-de-noel.htm

TITANE  Julia  Ducournau

Titane débute par un accident automobile. Jeune adulte, marquée à tout jamais,  Alexia avance par mutation, laissant derrière elle des enveloppes obsolètes pour sa fuite en avant.. Dans Titane les dialogues sont parcimonieux, fonctionnels et souvent inaudibles. La psychologie est absente. Dans Titane il n’y a que des corps, abîmés, usagés, exhibés, consommés, transpercés, dévorés… .J’ai conçu Titane de telle manière que l’on ne sache jamais où l’on va. explique Julia Ducournau. Le pari est tenu, la réalisatrice impose un ton et une imagerie qu'elle garde de bout en bout.

A prendre ou à laisser.

Article complet par ici: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/a-corps-perdus.htm

LA LOI DE TEHERAN  Saeed Roustayi.

La loi de Téhéran s’amorce sur une poursuite à travers un labyrinthe de ruelles. Puis survient la première séquence d’anthologie : une descente dans un squat à ciel ouvert. Suite à l’assaut de son duplex, un chef de réseau est alors arrêté, amené au commissariat et jeté dans une salle où s’entassent des centaines de dealers-consommateurs.

Tourné in situ, gorgé de cris et d’énergie, La loi de Téhéran confirme à son tour la vitalité du cinéma iranien. Au même titre que Mohammad Rasoulof ( Le diable n’existe pas, toujours sur les écrans), Jafar Panahi (Le cercle, 2000, Sang et or, 2003) et bien sur Asghar Farahdi dont le nouveau film Un héros, vient d’obtenir le Grand Prix du Festival de Cannes, Saeed Roustayi met l’art du suspense au service d’une vision multiple de la condition humaine et d'un ordre social . Palpitant et magistral. 

Critique complète: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/iran-stupefiant.htm

STILLWATER Tom McCarthy

Foreur de pétrole, Bill Baker (Matt Damon) quitte Stillwater petite ville de l’Oklahoma pour Marseille où Allison sa fille (Abigail Braislin) est incarcérée suite à l’assassinat de sa colocataire.

A l’image de Tom McCarthy et de son approche documentée, Bill ne surplombe rien, ni ne débarque en terrain conquis. Il dit bonjour et merci, il cherche, il écoute dans un silence bourru. Il se lie à Virginie, comédienne qui a une fille, elle aussi. Un redneck yankee et une artiste adepte de l’écriture au plateau, le duo est improbable pourtant, non seulement on y croit mais on s’y attache fermement.

Au delà de la peinture d’une cité portuaire, ville monde, ville ouverte avec ses épices, ses précipices, ses délices et ses excès, Stillwater est un film où l’on se parle, on s’écoute, on se heurte, on se tend la main. En ces périodes de clivages généralisés, Stillwater est un film hors du temps.

Article complet: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/un-americain-a-marseille.htm

LAST NIGHT IN SOHO Edgar Wright

Last night in Soho s’amorce dans une maisonnette au cœur des Cornouailles. Admise dans une école de mode à Londres, Éloïse Turner (Thomasin Mckenzie) prend congés de sa grand-mère. Sur place l’orpheline s’installe dans un foyer d’étudiantes, puis dans une chambre au cœur de Soho.

Last night in Soho livre un portrait en creux de la pop culture britannique qui nourrit encore (et pour le meilleur) les goûts et les imaginaires. Mais comme chaque revers a sa médaille, cet objet filmé à vocation démystificatrice se double d’une ballade amoureuse à travers London Town, City of Westminster qui malgré sa gentrification et ses tours de verre, recèle toujours des zones d’ombre et des ruelles gorgées de mystères.

Last night in Soho est inattendu, incisif, étourdissant. Un régal de cinéma!

Article complet :https://www.michel-flandrin.fr/cinema/petula-clark-contre-jack-l-eventreur.htm

COMPARTIMENT N°6 Juho Kuosmanen

Dans une époque pré téléphones portables, une archéologue finlandaise quitte Moscou pour rejoindre en train la mer de Barents. Elle partage son compartiment avec un jeune homme qui dévore des saucisses et descend des bouteilles. Une traversée de la Russie qui sort des sentiers battus. Un film dans lequel il ne se passe pas grand chose mais où tout reste imprévisible. Entre Anton Tchekov et John Cassavetes. 

UN HEROS Asghar Farhadi

Dans Un héros il est question de pièces d’or, d’un créancier obtus, d’un débiteur obligé, de menaces, de prison, d’un enfant empêché et d’une belle dame en noir. L’action se déroule à Chiraz, villes d’Histoire et de légendes, proche de Persépolis.

Comme toujours chez Asghar Farhadi, ce n’est pas la résolution de l’énigme qui importe, mais ce sont les zones d'ombres et, ici, les dommages collatéraux propres à des lois dogmatiques, édictées par des intérêts autres que la protection et le bien de tout un chacun.

Après La loi de Téhéran diffusé l’été dernier, Le diable n’existe pas, toujours sur les écrans, Un héros confirme la richesse éclairée du cinéma iranien qui allie l’efficacité du récit à la clairvoyance des fabulistes.

Article complet par ici: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/forte-dette.htm

UNE HISTOIRE D'AMOUR ET DE DESIR Leyla Bouzid

Le bac en poche, Ahmed quitte sa cité pour la Sorbonne. Sur les bancs de l’amphi, il croise Farah, elle aussi nouvelle venue au centre de la capitale. Il lui offre Camus, elle lui conseille quelques classiques de la littérature arabe. Tout au long d'Une histoire d'amour et de désir, les sentiments puis l'attirance s’insinuent à travers les mots, les lectures et les conversations. Aux côtés de Farah, sa prudence décomplexée, Ahmed s’initie à un milieu et des états qu’il ne connaît pas. 

En inversant les codes, ici c’est l’homme qui tergiverse face à une femme qui l’attend, Leyla Bouzid observe le masculin avec un sourire éclairé et une tendresse circonspecte. Dans cette éducation sentimentale, la fragilité n’est pas le monopole d’un sexe (d’un genre?) et le religieux reste hors champ. Voilà qui est roboratif et éminemment reposant.

Article complet par ici: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/fragilite-masculin-pluriel.htm

GAGARINE Fanny liatard, Jérémie Trouilh

Gagarine du nom du premier homme propulsé dans l’orbite de la Terre. En 1963 le cosmonaute inaugura à Ivry sur Seine (Val de Marne) une cité à son nom. 

En 2019, les barres qui, un demi siècle plus tôt, contribuaient au prestige de la « Ceinture rouge » autour de Paris, sont vouées à la destruction. 

Reconstruction, requalification…, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh s’emparent de thèmes chargés de polémiques. Solidement documentée, leur approche préfère aux effets de réels, les échappées de la fable.  Un regard à la fois conscient et décalé sur l'histoire des périphéries.

Article intégral en un clic: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/gagarine-to-major-tom.htm

BALLOON Pema Tseden
 
La contraception, l'émancipation à l'épreuve de la réincarnation, au gré de variations sur le cercle et la sphère: du ballon au ventre rond, en passant par les tasses à café et les gonades (de bélier).
Il nous avait emballés avec "Tharlo, un berger tibétain" (2017), un peu déçus après "Jinpa, un conte tibétain" (2108), Pema Tseden revient au top avec "Balloon", pastorale ample, pudique et documentée.
Un vrai cinéaste!

LA NUEE Just Philippot

La nuée réussit le mariage, amorcé dans Petit paysan (2017), entre chronique rurale et film de genre.
L’espace vital, la psyché de la jeune éleveuse d'insectes sont peu à peu submergés par les excroissances des serres-vivariums, les stridulations obsédantes qui s’en échappent. L’ambition, la force de travail, la raison s’érodent au fil des fins de mois. Le récit suit au plus près le quotidien de l’éleveuse. La fantasmagorie s’immisce entre le suggéré et le montré, la tension et l'épouvante
Just Philippot convoque le Fantastique. S’il s'abreuve à sa cinéphilie, le réalisateur dédaigne les citations-clins d’œil pour des références (inévitable David Cronenberg) assimilées, retravaillées. 
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