Les préférés du préposé 2023

Actualité du 28/12/2023

ANATOMIE  D'UNE CHUTE- Justine Triet

Sandra a-t-elle provoqué la mort de son époux ou a-t-il basculé par accident ?

Anatomie d'une chute  se place en référence à Autopsie d’un meurtre-Ana tomy of a Murder, suspense de prétoire, réalisé en 1959 par Otto Preminger. Lors des assises qui occupent la seconde moitié du film, Justine Triet livre les minutes des débats et distord, au passage, les codes du film de procès.

Vers la fin, une déposition chavire les jurés. Une conviction est entérinée. Mais, même après le verdict, l’opacité demeure.

Au tout début du film, une balle rebondit jusqu'au bas d'un escalier. Le plan provient de L'Enfant du diable, réalisé en 1980 par Peter Medak, pas vraiment un film d'assises, plutôt une histoire de revenants.

Force est de reconnaître que les fantômes demeurent, au terme d'une œuvre dont la précision et la maîtrise n’ont d’égales que la finesse et l’invention, en particulier dans l'utilisation des sons.

Ciselé à la Mankiewicz, chirurgical façon Bergman, Anatomie d’une chute  s'absorbe d'une traite, infuse un long moment et touche au firmament du cinéma.

La chronique intégrale c'est par ici: https://www.michel-flandrin.fr/cinema/mecaniques-de-l-intime.htm

Photographies: Les Films Pelléas et Films de Pierre.

EMPIRE OF LIGHT-Sam Mendes

Hilary (Olivia Colman) officie comme directrice adjointe de l'Empire Cinéma qui joue All that Jazz, Raging Bull, The Blues Brothers.. . Mais elle ne franchit le seuil de la salle que pour le nettoyage à la fin des séances. Le reste du temps, elle stationne derrière la caisse, le comptoir à confiserie ou sur une banquette du foyer, à comptabiliser les recettes du jour. 

La routine se réveille à l’arrivée de Stephen (Michael Ward). Une empathie s’esquisse entre la quadragénaire solitaire et le jeune homme noir, lassé de végéter aux portes des universités. 

Compte rendu d’une brève (et belle) rencontre, Empire of light tisse une chronique à base de regards, de silences, d’élans, de maladresses.., rien que des petits riens qui éclairent, un temps, la détresse endémique d’Hilary. Dans ce carrousel impressionniste, les interprètes se montrent à leur affaire et la prestation d’Olivia Colman relève d’un minimalisme proprement éblouissant.

Plus proche de l’humanisme attentif d’un Ken Loach que du glamour hollywoodien, Mendes déroule sa chronique sous les lustres chatoyants d’un Luna park ou enchassé dans le velours et les enluminures qui transforment l’antichambre du cinéma en écrin bigger than life.

 Sam Mendes convoque ses souvenirs intimes pour cette ballade des cœurs solitaires, élégie à la fois délicate et scintillante, dont la nostalgie ne manque ni de lucidité, ni de majesté.

La chronique intégrale c'est par ici : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/show-me-a-film.htm

 

LE REGNE ANIMAL-Thomas Cailley

Tout au long du Règne animal, Thomas Cailley déploie sa culture de l’équilibre, entre décalage fantaisiste et abymes de gravité. L'art du dosage s’affine dans la façon d’aborder le Cinéma Fantastique, auquel se rattache ce conte prémonitoire.

Le film paie son tribu à l’effroi et l’épouvante, auxquels est souvent cantonné un genre hybride par excellence. 

Situé dans un futur proche, consécutif à un dérèglement biologique, le projet relève de la science-fiction. La peur de l’inconnu (un virus), de l’étranger (un mutant) sous-tendent une fable d’anticipation, dans laquelle alternent cauchemar et émerveillement.

Car le film se revendique également du Merveilleux, autre veine du Fantastique, creuset des incursions cinématographiques de Jean Cocteau : La Belle et la Bête (1946).., ou du monde animé de Hayaho Miyazaki : Le Voyage de Chihiro (2001).. .

Le Règne animal traduit l’émergence, au sein du cinéma français, d’une génération de talents, capables de fondre visions et influences, dans un précipité qui dépasse les artifices spectaculaires et la simple reproduction.

A ce titre, Le Règne animal se suit comme une fête de l’imaginaire, insolite, poignante et d’une délectable modernité.

L'article en entier c'est par là :https://www.michel-flandrin.fr/cinema/l-art-du-fantastique.htm

Photographies : Nord-Ouest film, Studio Canal, France 2 Cinéma, Artémis Productions.

THE QUIET GIRL-Colm Bairéad

L’arrivée imminente d’un petit dernier, incite les parents de Cait à la confier, durant les vacances d'été,  à Eibhlin, une cousine de la mère qui, avec Sean, dirige une ferme à quelques heures de route. Sur place, l’enfant encaisse l’indifférence appuyée de Sean, contrebalancée par le sourire d’Eiblhin.

The Quiet Girl s’inspire de Foster (adoptive), nouvelle écrite en anglais par Claire Keegan, réécrite en irlandais par Colm Bairéad. Le scénariste-réalisateur respecte le récit à la première personne et fixe sa caméra à hauteur de l’enfant. Visage en porcelaine, regard à la fois candide et profond, la toute jeune Carrie Crowley restitue dans une justesse éblouissante, l’éclosion de Cait, qui parle peu, mais écoute, perçoit et finit par comprendre pas mal de choses.

Dans le salon, la radio et la télé distillent des jeux télévisés ou des nouvelles de Bobby Sands, militant républicain, en gréve de la faim contre les rétorsions de Margaret Thatcher. Nous sommes à l’orée des années 80, à l’aube de mutations dont la fillette ne saisit que quelques bribes. Le pays gronde mais la parenthèse reste enchantée pour Cait qui s’épanouit entre un gâteau égaré sur le bord d’une table et un sprint chronométré jusqu’à la boîte aux lettres.

The Quiet girl respire une simplicité et une délicatesse, dont l’évidence défit les analyses critiques. Un joli morceau de mélancolie, qui atteint des sommets d'émotions avec des presque riens, pourtant si essentiels.

Intégralité de l'article : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/comme-une-image.htm

 

 

ABOUT KIM  SOHEE-July Jung

About Kim Sohee, se divise en deux actes. Dans le premier, une lycéenne signe une convention de stage, dégotté de haute lutte par son professeur, auprès d’un opérateur en télécommunications. Dans le second, une officier de police enquête sur l’origine d’un corps repêché dans un lac gelé.

Vive, obstinée, Kim Sohee, débarque dans l’espace partagé d’une plate forme téléphonique. La stagiaire se retrouve rapidement face à un ordinateur, coiffée d’un casque dans lequel se succèdent les réclamations.

Inspirée par un fait divers qui, en 2016, bouscula la société coréenne, July Jung développe un film dossier, brillante combinaison entre observations documentaires et investigations policières. Dans une patience méticuleuse, la scénariste-réalisatrice détricote le réseau d’arrivismes, de craintes, de passivités ou de résignations, sur lequel s’arrime un culte de l’efficace et du rentable. Le constat politique s’élargit à travers un récit à la fois vif et précis, sublimé par un art consommé du cadre, notamment dans les séquence en open-space ou lorsque Kim s’efface de l’histoire.

About Kim Sohee s’ouvre et se ferme sur une adolescente qui tente, qui chute, qui soupire puis se relève en souriant. A l’ouverture s'imprime un élan. En conclusion montent les larmes d’une saine colère. 

Article en entier : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/plein-emploi-mode-d-emploi.htm

 

 

TAR-Todd Field

Avec Tàr, Todd Field confirme son inclination pour les caractères féminins forts et complexes. Son nouvel opus s’apparente à une immersion dans le monde et l’univers mental d’une artiste, dont le travail et l’ambition s’érigent en un labyrinthe de fortifications. 

Dispositif oblige, le film s’apparente à un véhicule propulsé par son interprète principale. Au centre de chaque séquence, Cate Blanchett insuffle son charisme et son énergie à une femme dont la musique est la vie, dont l’existence, jamais, ne déborde la musique. 

Étude clinique, méditation sur la transmission d’un art fondateur d’une civilisation, Tàr se double d’une analyse sur l’exercice du pouvoir. Le thème est symbolisé par l’orchestre, communauté régie par des habitudes et des règlements, utilisés ou contournés par une cheffe, elle même partagée entre calculs personnels et quête de transcendance.

Une maestra à la fois accomplie et tourmentée, un être ordinairement compliqué, que l’on accompagne de bout en bout, en se gardant bien de la juger.

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/la-baguette-et-les-cloisons.htm

 

KILLERS OF THE FLOWER MOON -Martin Scorsese

Killers of the Flower Moon retrace un génocide à combustion lente. Souterraine, furtive, la brutalité en vigueur à Gray Horse à l'aube des années 20, pose les jalons des laminages, caractéristiques des actuelles lois du marché, en face desquelles, il n’y aurait, paraît-il, plus d’alternatives.

Autopsie d’une organisation criminelle, ce nouvel opus s’apparente aux films de mafia, dans lesquels, de Mean Street (1973) à The Irishman (2019), Martin Scorsese porte sur les truands, un regard qui amalgame réprobation et fascination.

Mais, cette fois, l’ambivalence compulsive cède la place au requiem. L'auteur avance, flanqué de ses deux acteurs fétiches : Robert de Niro (huit films), l’alter-égo, le frère, le complice de toujours et Leonardo DiCaprio (six films depuis 2002), dont la présence garantit au réalisateur, les financements de productions qui, en contrepartie, donnent à la star quelque chose à jouer.

Killers of the Flower Moon, une fresque historique, une parabole prémonitoire, une marche funèbre. Une geste testamentaire, un sommet du cinéma.

La chronique complète à cette adresse : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/crepuscule-a-petit-feu.htm

 

LA LIGNE-Ursula Meier

Pianiste promise à un bel avenir, Christina sacrifia sa carrière à l’éducation de ses trois filles. Arrivée à l’âge adulte, Margaret se lance à son tour dans la musique et forme un duo pop qui rencontre un joli succès. La réussite de l’aînée suscite les sarcasmes de la mère qui l’accuse de se complaire dans un genre mineur.

L’aigreur s’exacerbe encore lorsque, conséquence d'un choc, Christina perd une partie de son audition. Face à l'acrimonie grandissante, Marion, la benjamine, pour préserver un embryon de tranquillité, l'adolescente trace à partir de la maison, au pinceau, à même le sol, un rayon d’un hectomètre qui indique à Margaret la limite à ne plus franchir.

Ursula Meier module les émotions et slalome entre les styles, au fil de cette cartographie des affects, à la fois subtile et percutante, qui s’attache à un gynécée et fouille au plus profond de violences féminines, générées pour l'occasion par des névroses matriarcales.

A ce titre et par les temps qui courent, La Ligne se suit et se respire comme une bouffée d’air frais.

L'Article en entier à suivre : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/une-affaire-de-femmes2.htm

Photographies: © 2022 Bandita Films / Les Films de pierre / Les films du fleuve.

 

 

TOUTE LA BEAUTE ET LE SANG VERSE-Laura Poitras

D’un côté Nan Goldin, artiste photographe dont l’œuvre combine sociologie et autofiction. De l’autre, Laura Poitras cinéaste du réel dont les derniers opus s’attachent aux lanceurs d’alerte. Toute la beauté et le sang versé désigne à la fois le nouveau film de Laura et une citation de Barbara. Internée en psychiatrie, à la demande de ses parents, la sœur aînée de Nan s’évadera pour se jeter sous un train. 

Sa vie bascule à nouveau lorsque, suite à un acte chirurgical, Nan Goldin tombe en addiction à l’OxyContin. Produit par la Sackler Company, cet antidouleur à base d’opioïdes causa plus de 500 000 décès, depuis sa commercialisation en 1996. Or, mondialement adoubée, la photographe expose au Moma et à la galerie Guggenheim de New York, à la Tate Galery de Londres, établissements largement mécénés par la firme Sakler. Il s’ensuit un choc thermique qui débouche sur la création de PAIN (Prescription Addiction Intervention Now).

Laura Poitras capte la clairvoyance déterminée de Nan, qu’elle contextualise avec l’évolution d’un art, les mœurs d’une époque et les mécanismes d’une économie. Le charisme tranquille de la narratrice, le montage limpide qui valorise un matériau pléthorique, sans verser dans la saturation, participent à l’attractivité du projet.

Chronique complète sur : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/pellicules-contre-pilules.htm

 

L'ENLEVEMENT-Marco Bellocchio

L’Enlèvement s’inspire de l’Affaire Mortara. En 1858, dans le quartier juif de Bologne, Edgardo Mortara est soustrait à sa famille par les gardes pontificaux. Paniquée par la fièvre du nourrisson, une ancienne servante l’aurait ondoyé (baptisé dans l’urgence). L’enfant doit, par conséquent, suivre une éducation catholique.

L’adaptation de ce fait historique permet à Marco Bellocchio (83 ans) de livrer un manifeste formel et de creuser ses thèmes de prédilection, à commencer par l’enfermement familial. L’Enlèvement relève d’une tragédie lyrique, qui dépasse l'exercice de style fastueux , pour une autopsie de la radicalisation.

Déterminante chez l’auteur, l’approche psychanalytique décrit, par l’intérieur, un lavage de cerveau, dispositif essentiel du fanatisme. D’origine mafieuse ou terroriste, le crime organisé reste, chez Bellocchio, l’une des dommages cardinaux de l’embrigadement des esprits, au sein d’une famille, d’une communauté ou d’une institution.

A ce titre L’Enlèvement s’impose comme une fresque historique baroque, ténébreuse et, par les temps qui courent, largement rattrapée par l’actualité.

L'intégralité c'est par ici : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/au-nom-du-pape-roi.htm

 

 

BABYLON-Damien Chazelle

Sarabande de tableaux souvent carnavalesques, Babylon raconte Hollywood, de la préhistoire des années 10, jusqu’à l’âge d’or des studios, au seuil des années 50. Quatre décennies au cours desquelles le cinéma passe de l’aventure empirique, aux grandeurs et servitudes de l’industrie artistique.

La première partie de l’épopée s’avère passionnante, parce qu’inédite au cinéma. Damien Chazelle célèbre les pionniers, les flibustiers, exonérés des prescriptions, hermétiques aux proscriptions. De ce cloaque effervescent émergeaient des films qui rameutaient les foules et parfois imprimaient les mémoires.

Dans sa seconde partie, la fresque se pose sur des rails plus programmatiques liés au passage crucial du muet au parlant. 

Tonitruante, cruelle, mal embouchée, Babylon est une pièce montée qui rugit, flatule, expectore, qui amuse et bouleverse. Pour conclure, une pensée reconnaissante pour les cadres de la Paramount qui ont osé ce grand tintamarre, bordel effervescent, épatant de santé.

Article sans coupes c'est ici : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/bordel-effervescent.htm

L'ODEUR DU VENT-Hadi Mohaghegh

Quelque part dans le Tchaharmal-et-Bakhtiari au sud-ouest de l’Iran, un herboriste à la mobilité limitée, partage une habitation précaire avec un enfant tétraplégique. Une panne l’amène à contacter le fournisseur d’électricité. Sur place, le réparateur diagnostique la défaillance du transformateur qui surplombe la maison.

Le préposé se met alors en quête des pièces déficientes, dispersées dans divers ateliers. Le bonhomme part tôt et rentre tard, escalade des collines, traverse des rivières.. . La mission réparatrice occupe ses vacations puis empiète, peu à peu, sur ses périodes de repos et sa carte bancaire.

Derb (sol dur) tel est le titre original de L’Odeur du vent, tourné sur sa terre natale par Hadi Mohaghegh. 

On cause peu dans L’Odeur du vent. Mais l’obstination laconique de l'employé, détourne la chronique vériste vers la parabole contemplative. Cette odyssée électrique développe un éloge de la patience et l’abnégation, qui dépasse la métaphore sur la dictature islamiste pour atteindre l’Universel. Venu de nulle part, L’Odeur du vent intrigue, absorbe, émerveille, questionne et ce, bien après le terme de la projection.

La chronique complète vous attend : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/l-odyssee-de-l-electricien.htm

Photographies: Bodega Films.

THE FABELSMAN-Steven Spielberg

Avec The Fabelsman, Steven Spielberg, 77 ans, sacrifie à l’exercice introspectif, propre aux souvenirs d’enfance. Il y raconte sa passion du cinéma. Non par la pratique cinéphile mais par l’apprentissage compulsif de la prise de vue et du montage. 

A la fois moyen d’expression, d’affirmation voire de rétorsion, la caméra devient le troisième œil de Sammy, enfant puis adolescent, solitaire jusqu’à l’introversion. 

Burt Fabelman, le père, ne vit que pour ses recherches d’ingénieur électronicien. Pianiste prometteuse, Mitzi sacrifia sa carrière pour accompagner son époux et prendre soin de leur progéniture. Meilleur ami de Burt, l’oncle Bennie (Seth Rogen) complète le tableau harmonieux d’un foyer modèle de la middle class, à l’aube des sixties.

Sammy bidouille des bandes qui amusent, épatent et, selon l’humeur du filmeur, renvoient des vérités imparables, douloureuses, voire cruelles. Dès lors, le regard de l’objectif agit comme un révélateur au monde autant qu’il introduit un grain de sable dans les mécanismes familiaux.

The Fabelsman, un beau livre d'images, gorgé de confidences mélancoliques, sur la magie des images et les servitudes du 7ème Art.

Article intégral à cette adresse : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/une-question-d-horizon.htm

 

 

 

GOUTTE D'OR-Clément Cogitore

Ramsès est un mage, parmi ceux qui quadrillent le quartier de la Goutte d’or dans le Nord parisien. Par le charisme du médium et une organisation astucieuse, la petite entreprise divinatoire prospère au mépris des principes de concurrence en lice dans le périmètre. C’est alors que surgissent des lutins sans foi ni loi.. .

A l’ouverture de Goutte d'or, une tractopelle écorche le sol puis un camion-benne déverse son chargement de terre et de déchets. Ce vaste chantier jouxte le métro aérien sous lequel circule une foule grouillante et bigarrée. Le quartier Pigalle-Barbès constitue à la fois le théâtre et le personnage cardinal de Goutte d’or.

Au cœur de cet espace en voie de requalification, Clément Cogitore observe un magma de chair et de matière, où dans le froid et l’humidité, fermentent intérêts bien compris, sauvagerie sans nom et innocence désemparée.

Karim Leklou rempli le cadre et jongle avec les nuances dans ce polar tellurique, entre étude sociologique et conte fantastique. Goutte d’or mérite le détour et son auteur est à ne pas perdre de vue.

Critic's cut  : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/les-infortunes-du-mage.htm

 

SICK OF MYSELF-Kristoffer Borgli

Oslo de nos jours, Signe partage son quotidien avec Thomas, plasticien-customiseur. Lorsque celui-ci connait une première exposition et sacrifie à quelques interviews, la jeune femme entre en transparence aux côtés de cette néo-célébrité.

Pour Signe, la réponse, la révolte passent par le corps. Elle s’invente une allergie puis une maladie rare grâce à un médicament (d’origine russe), dont les effets secondaires génèrent de profondes irritations cutanées.

J’aime les belles mélodies qui racontent des horreurs.

Kristoffer Borgli s’approprie la phrase de Tom Waits. En équilibre entre observation et immersion, Sick of myself additionne les simulacres de Signe : ses rêves de gloire (l’écriture d’un best-seller), ses peurs paniques (le diagnostic sans appel d’un médecin).

Le ton est flegmatique, le fleuret moucheté mais les assauts touchent toujours juste. Fable pétrie d’humour à froid, descente aux enfers nimbée de couleurs acidulée, Sick of myself est une posologie qui s’administre sans modération.

Chronique non sécable : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/auto-medication.htm

IL BOEMO-Petr Vaclav

Signé par le cinéaste tchèque Petr Vaclav, Il Boemo s’écrit sur une page quasiment vierge. En effet, il existe peu de traces sur l’itinéraire de Josef Myslivecek et il fallut attendre 2013 pour appréhender l’envergure de cet artiste qui signa, entr’autres, 85 symphonies et une trentaine d’ouvrages lyriques.

De Venise à Naples, la carrière de Myslivecek est jalonnée par des relations amoureuses, qui composent un état des lieux de la condition féminine au XVIIIème siècle. Tourné dans des lieux repérés aux quatre coins de la péninsule italienne, le film associe splendeurs décoratives et détails documentés.

En sus du destin édifiant d’un artiste, conscient que la rigueur classique lézarde les mignardises baroques, Il Boemo puise sa singularité dans le dosage méticuleux entre les affects romantiques, les lustres esthétiques et l’observation vériste.

Par ailleurs, l'évocation stipule qu’en ces temps là, une diva était mieux rétribuée qu’un chanteur et, plus encore, qu’un compositeur. Comme quoi et en dépit de révisionnismes ambiants, il y a toujours à apprendre du Siècle des Lumières.

La partition sans césure consultable sur : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/tout-pour-la-musique.htm

Photographies: Nour Films.

 

VINCENT DOIT MOURIR-Stephan Castang

Tout commence par un ordinateur portable balancé en plein visage. Ça se poursuit par un stylo planté dans l’avant-bras. Et lorsque une automobile fonce droit sur lui, le doute n’est plus permis : le monde a une dent contre Vincent.

Une solution : partir, s’isoler dans une maison familiale, au fin fond de la campagne. Sur place, le proscrit bidouille une organisation qui lui garantit ravitaillement et protection. Le visage poupin, insondable, le corps à la fois massif et élastique de Karim Leklou, donnent toute son incarnation à ce cauchemar éveillé.

Stephan Castang met l’anticipation et la fantasmagorie au service d'une fable de la folie ordinaire, qui ausculte l’humeur d’une époque, friande de boucs émissaires, saturée de violences désinhibées. Récit de survie, allégorie brutale et kafkaïenne, ce passionnant coup d’essai, adjoint un nouveau talent à cette école d’un cinéma fantastique français, qui combine vision, ingéniosité et références, dans des œuvres à la fois singulières, adultes et solidement maîtrisées.

Vincent doit mourir s’impose comme un film de terreur diablement efficace, doublé d’une sublime variation sur le mythe d’Orphée.

La chronique en entier c'est à cliquer : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/droit-dans-les-yeux.htm

Photographies : Capricci distribution.

THE LOST KING-Stephen Frears

Je pense être intéressante mais je suis bien la seule.

Inspiré par l’épopée archéologique de Philippa Langley qui, en 2012 localisa la tombe du roi Richard III, The Lost King dresse l'apologie de l’imagination et l’intuition.

Bravant l’incompréhension des siens, les ultimatums professionnels, l’accueil surplombant d’universitaires, Philippa trace son enquête, soutenu par Richard the third, himself, échappé d'une représentation shakespearienne

Observateur scrupuleux,  Stephen Frears dissèque l’abattement, la dépression. Puis réglant son film sur l’utopie de son héroïne, il chronique sa fuite en avant dans la fantaisie affûtée et le tact abrasif qui innervent son cinéma.

Entre la vérité et la légende, imprimez la légende. Proclamait James Stewart à l’issu de L’Homme qui tua Liberty Valance (John Ford 1962). Cinq siècles auparavant, William Shakespeare avait déjà tout compris. Ce qui n'empêche en rien The Lost King de se déguster comme une délicieuse tranche de cinéma.

This way to the uncut chronicle : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/la-verite-sur-richard-iii.htm

CHIENS DE LA CASSE-Jean-Baptiste Durand

C’est un petit village perché sur une colline, quelque part en Occitanie. Ils sont nés ici et se connaissent depuis toujours, Dog et Mirales forment une paire, inséparable et complémentaire. Taiseux jusqu’à l’effacement, le premier écoute les aphorismes, les conseils et parfois encaisse les anathèmes que lui déverse le second.

Lui même natif du Pouget, quelque part dans la vallée de l’Hérault, Jean Baptiste Durand radiographie avec Chien de la casse, l’amitié fusionnelle entre deux gars qui étirent leur adolescence sur un territoire vivace comme un village du Luberon en basse saison.  

A l’observation anthropologique s’ajoute la comédie humaine, portée par d'impeccables interprètes : Galatéa Bellugi, mesurée et incisive, Anthony Bajon, tout en fragilité trapue, et bien sur Raphaël Quenard qui, dans son registre, relève du phénoménal.

Comme Mirales vampirise son monde, Raphaël rempli l’écran d'une logorrhée, dont on ne sait si elle est écrite ou improvisée. L’acteur jongle avec les phrases, les silences et les postures, avec une agilité, révélatrice d’une verve, d’une finesse et, sans doute, d’une rare intelligence.

Chronique d’arrière pays, frappée du sceau du vécu et mitonnée avec les ingrédients complexes qui fondent une amitié, Chien de la casse désigne un film, un réalisateur et des interprètes vraiment francs du collier.

Article complet : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/deux-homme-et-un-chien.htm

L'INNOCENCE-Kore-Eda Hirokazu

Tout commence par un incendie qui dévaste un immeuble voisin de l’appartement occupé par Minato et sa mère. Le bâtiment sinistré héberge une maison de geishas. Il se dit qu’on aurait aperçu Nagayama, l’instituteur de Minato, sortir du building.

L'Innocence s’attache à la mère, jeune veuve désemparée par les sorties de route de son fils puis à l’enseignant, au centre de procédures qui le dépassent. Après un détour vers Madame Fushimi (Tanaka Yuko), directrice d’école aux décisions déconcertantes, l’intérêt se porte enfin sur le jeune Minato.

Judicieusement couronné pour son scénario, lors du dernier Festival de Cannes, Kaibutsu (Monstre) arrive sur les écrans rebaptisé L’Innocence. Si elle demeure pertinente, la nouvelle appellation abrase l’âpreté sous entendue par le titre original.

Nimbé des ultimes harmonies de Sakamoto Riuchi, décédé en mars dernier, L’innocence impressionne par sa méticuleuse sévérité autant qu’il éblouit pas sa virtuosité narrative et bouleverse par sa sensibilité digne et ajustée.

Chronique à lire sur : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/l-opinion-publique.htm

Photographies : Le Pacte distribution.

 

LES MEUTES-Kamal Lazrak 

Pour mettre un morceau de viande dans le prochain repas, Hassan accepte la besogne que lui propose un caïd de Casablanca. Afin de mener à bien l’enlèvement d’un ancien homme de main, passé dans un clan adverse, le mandaté se procure un véhicule et mobilise son fils, Issam.

Le rapt se déroule comme prévu, sauf que la masse imposante de la victime s’insère difficilement dans le mini-cube des assaillants. A l’arrivée, c’est un corps asphyxié qui est livré. S’impose alors une mission de prime urgence : la disparition du macchabée.

Les Meutes s’apparente à un voyage au bout de la nuit, que Kamal Lazrak inscrit dans les codes du polar et les préceptes néoréalistes. Tourné entièrement en extérieurs, le film mobilise des interprètes majoritairement non-professionnels

Tension constante, dilemmes personnels, anecdotes tragi-comiques, considérations sociologiques, Les Meutes intègre ces paradigmes avec brio et intelligence.  Décidément, Kamal Lazrak est un réalisateur à surveiller. 

Texte intégral : https://www.michel-flandrin.fr/cinema/comment-s-en-debarrasser.htm

Photographies : Mont Fleuri Production, Barney Production, Beluga Tree

 

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